Ah, que la légèreté est complexe et difficile à atteindre ! Que de contre-exemples en matière de cinéma, comme nous allons l’illustrer ci-après.
Prenez d’abord le temps de regarder l’affiche du film dont il est question, qui vous en dit déjà beaucoup. Nous savons déjà quelle est la hiérarchie des personnages : une star au centre, Matt Damon, Benjamin dans le film, père de famille d’une petite fille (ça se voit, non ?) et d’un garçon avec lequel il a des relations difficiles, ce qui doit être la raison, je suppose, qu’il ne soit pas présent ici (1). Je vous rassure, père et fils vont se réconcilier, mais l’affiche doit probablement figurer le début de leur nouvelle vie, période à laquelle ils sont encore fâchés. Car ils sont à l’aube d’un renouveau, l’aube étant ici littéralement représentée par le soleil qui se lève et les nimbe d’une douce lumière. Douce lumière qui nous dit aussi que tout va être romantique, sucré et gentil, nous sommes dans un « feel-good » movie (2). Les personnages s’avancent résolument et ravis vers quelque chose qui a capté leur attention (mais non ce n’est pas le titre en lettres blanches, il a été rajouté après ! M’enfin, un peu d’attention !), serait-ce ce fameux « nouveau départ » ? Et bien oui, bingo ! Une autre protagoniste, un peu en retrait (et en plus petit, donc, il s’agit de la magnifique Scarlett Johansson pourtant) semble dire qu’elle va exister dans l’histoire, mais sur un mode mineur par rapport aux personnages principaux, qui sont ce père et ses enfants (je réintègre le fils, faisant ainsi une entorse à la représentation picturale, mais j’assume).
Et voilà, nous avons ainsi, par une analyse un peu minutieuse d’une image emblématique, décrypté une grande partie du film (3). Soit un veuf (presque) inconsolable de la perte dramatique de son épouse, nanti de deux enfants, qui décide pour leur bien-être d’abandonner sa vie aventureuse (je n’ai pas bien saisi de quoi il s’agissait, il me semble qu’il était reporter-casse-cou) pour acquérir une « maison/zoo » (je ne sais comment décrire autrement cet ensemble hybride, qui existe apparemment aux U.S., attention dans la partie-où-il-fait-toujours-beau, soyons précis). C’est une belle maison jouxtée par un parc où vivent divers animaux sauvages, lion, singes, serpents, paons et autres végètent jusque-là, sous la conduite ferme et douce de Kelly Foster/Scarlett Johansson et d’une équipe un peu bizarre (cliché issu de la morale dominante aux USA : seuls des marginaux peuvent choisir de se dédier à la nature, nous sommes bien dans un film traditionnel tendance Républicains passéistes ; et qui plairait bien au nouveau Président, j’en suis sûre, mais je m’égare…).
A partir de là, nous assistons à la traditionnelle « success story » made in America ; bien sûr le père et le fils vont se réconcilier ; bien sûr le veuf esseulé va finir par retrouver l’amour et son fils aussi au passage ; bien sûr le zoo, malgré la présence hostile de l’inspecteur Mac Cready (personnage adverse assez monolithique, qui permet de tenter quelques essais d’humour qui font plouf !) va ré-ouvrir et rencontrer le succès (ah la scène finale est proprement sidérante).
Bref, empilement de clichés sur musiques sirupeuses, scénario bâti à la force de la truelle, relents de politiquement correct en marge de toutes les scènes, voire prise de parti quasiment politique sur des idéaux obsolètes concernant la famille, l’amour, la réussite, nous sommes dans un objet filmique gâché. Les acteurs principaux eux-mêmes, Matt Damon en tête (il devait avoir besoin d’argent, comme je l’aime bien, j’espère qu’il a été correctement payé) désertent le bateau dès l’ouverture, réalisant leur incapacité à sauver quoi que ce soit dans cet opus pachydermique (il manquait l’éléphant au zoo, le voilà !).
J’avais bien aimé « Jerry Maguire » (1996) et « Presque célèbre » (2000) de ce cinéaste, qui me semble bien fourvoyé depuis.
A ne pas voir, sauf dans l’optique que je viens de développer. D’autres films vous paraîtront d’autant plus intéressants.
FB
(1) Ils ne manquaient pas de place, ils auraient pu réduire le titre !
(2) Pour les réfractaires à l’anglais, des films qui vous font vous sentir bien, dans lesquels nous trouvons le pire et le meilleur.
(3) Et si nous faisions plus souvent cet exercice, cela nous ferait gagner du temps par rapport à certains films que nous n’irions pas voir. Attention, ce n’est pas une règle absolue !
Pas vu et ton avis ne donne pas envie. 🙂