Dédié à Laurence, qui me « tanne » pour que j’écrive 🙂
Film projeté à Cannes, édition 2016 et remarqué. Et donc je suis allée le voir, car j’aime bien en général ces films français qui nous parlent de gens humbles et de leur vie quotidienne.
Ici, Willy, quinquagénaire handicapé mental (ou tout du moins reconnu comme tel par le système, il a une curatrice qui l’aide à gérer sa pension – Formidable Noémie Lvovsky) vit avec son frère jumeau Michel dans la ferme de ses parents en Normandie. Après le suicide de son frère, il se fixe trois buts : avoir un appartement à lui, avoir un scooter et avoir des copains « et je vous emmerde », ajoute t-il, à l’égard de ses parents mais aussi de toute personne qui pourrait se mettre en travers de cet accomplissement. Nous allons le suivre dans le chemin pas simple qui l’amènera à réaliser son ambition.
Rien de plus difficile que d’aborder le sujet de la « maladie mentale » au cinéma (j’ai mis l’expression entre parenthèses car dans notre monde de politiquement correct, on ne sais jamais… 😉 ). Soit vous partez dans le trip « guimauve » du type « Forrest Gump » (1), soit vous en faites un film réaliste et magistral, comme « Mommy » (Xavier Dolan, 2014) ou « Séraphine » (Martin Provost, 2008), ce qui inclue de prendre la question sous l’angle de la fiction – et d’avoir le talent pour le faire, pour être toujours à la bonne distance du sujet.
Ici, j’ai été tout de suite gênée par la laideur qui imprègne l’ensemble. Laideur du personnage principal, passe, mais laideur de la description de son milieu ambiant, comme si les metteurs en scène avaient pris un soin particulier à choisir les meubles, la vaisselle l’environnement les plus horribles à leurs yeux (et aux nôtres). Tout cela avec une grande complaisance : pourquoi par exemple montrer Willy, cet homme presque difforme, en caleçon ou torse-nu autant de fois ? Et puis ce plaisir à faire revivre le pire en terme d’esthétique, vu de nous (2), années 80, musique française de l’époque, couleurs fluo, et cela à l’occasion du suicide du frère de Willy, Michel, ce qui m’a mise vraiment mal à l’aise, comme quelque chose de très déplacé et mal venu.
Car rester neutre quand vous vous voulez parler de gens différents (ici via un film) est toujours très compliqué puisque par essence, nous n’avons pas le même vécu ni le même point de vue qu’eux sur les choses. Deux écueils guettent le cinéaste, celui de la neutralité totale (je fais comme si la personne était comme moi) ou celui du voyeurisme (je me délecte des différences de l’autre, parfois avec une pointe de méchanceté). Ici, malgré sûrement une envie de bienveillance, tout se passe comme si les cinéastes tournaient Willy et sa famille en dérision dans la première partie du film (3), à renfort d’images ringardes, comme dit plus haut, plaquées sur des événements pourtant graves et tristes. Et j’ai eu ensuite du mal à suivre le fil, le film s’étant, si je puis dire, dynamité intrinsèquement jusqu’à perdre sa légitimité.
Remarquons quand même Romain Léger, qui campe un homosexuel travesti avec beaucoup d’allure et de talent. Il fera sûrement parler de lui.
Bref, une fausse bonne idée d’après moi que ce film.
FB
(1) Film de Robert Zemeckis réalisé en 1994, dans lequel Tom Hanks incarne un autiste, récompensé par six oscars.
(2) Le goût est une chose qui varie avec le temps ; ce que je veux souligner ici c’est le souhait des cinéastes de nous montrer une mode pour le moment obsolète.
(3) Nous sommes loin de la magnifique scène entre Catherine Deneuve et un paysan, dans la cuisine de ce dernier, dans « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot.