Tim Burton est un des cinéastes qui a imposé dès ses premiers films son originalité faite de peurs et d’émerveillements enfantins transposés dans un monde (à peine) adulte. Avec un univers bien à lui, comme s’il arpentait, au fil de son oeuvre, tout son imaginaire personnel d’enfant pour nous le faire partager. J’avoue avoir été particulièrement touchée par « Edward aux mains d’argent » (1990), le film qui l’a fait connaître ou par « Mars attacks » (1996) parodie grinçante de « La guerre des mondes » de H. G. Wells, ainsi que « Les noces funèbres » (2004), film d’animation étrange et sombre. Et beaucoup moins par quelques opus récents, tout en lourdeur « Alice au pays des merveilles » (2010) et, pire dans le genre, « Dark shadows » (2012). A tel point que j’ai fait l’impasse sur les films suivants, ayant l’impression que nous assistions là, comme bien des fois, malheureusement, à l’extinction d’un talent confronté au succès du box-office, comme empêtré dans les énormes moyens financiers que lui ouvraient la célébrité.
On lui doit pourtant deux magnifiques volet de la série « Batman« , respectivement en 1989 et 1992 dans lesquels il nous semblait avoir « soumis » le star-system à intégrer sa vision de ce héros Marvel, noire et poétique (1).
Attirée par les bribes de critiques officielles ou officieuses dont j’avais eu vent, j’ai décidé d’aller voir son dernier film. Et bien m’en a pris…
L’histoire réunit les deux ingrédients chers à l’auteur, monde imaginaire et enfance. Soit un adolescent américain, Jacob, dont le grand-père meurt dans d’étranges circonstances, attaqué par des créatures (des chiens, dira le rapport du légiste) qui l’ont privé de ses yeux. Depuis sa petite enfance, le grand-père lui a parlé d’un institut pour enfants particuliers situé en Pays de Galles ; Jacob parvient à convaincre son père de l’amener là-bas et va entrer en contact avec un univers parallèle merveilleux et sombre, caché au coeur d’une petite île. Ici, Miss Peregrine (magnifique Eva Green, déjà vue dans « Dark shadows » et qui colle parfaitement à l’atmosphère des films de l’auteur), une « ombrune », est chargée de veiller sur des enfants présentant des capacités « sur-humaines », voler, mettre le feu, avaler des abeilles, animer des êtres sans vie,… Jacob va devoir faire un choix entre ce monde à part prêt à l’accueillir, qui continue à vivre dans ce que nous pourrions définir comme un rêve enfantin, mêlant toute puissance (incarnée dans ces pouvoirs hors norme) et handicap maladroit (incapacité à vivre dans un milieu d’adultes), et le monde normé des adultes. En cela le film est une oeuvre initiatique qui nous conte un parcours avec ses choix, difficiles.
Pour nous dépeindre cette histoire, le cinéaste retrouve le merveilleux équilibre, que nous aimons tant chez lui, entre esprit magique de fête foraine et horreur en forme de cauchemar enfantin (attention si vous y allez avec des enfants). Il a depuis longtemps compris et assumé la force de la résurgence enfantine au creux de nos vies et face à nous, qui la corsetons dans notre habit d’adulte, il lui laisse libre cours le temps d’un film. Les décors, mêlant noir et ombres de l’angoisse aux couleurs les plus scintillantes, sont au diapason.
Faisons enfin mention de son habileté à introduire ici un paradoxe temporel qu’il sait mener jusqu’au bout avec finesse et qui nous donne à la fin du film une des plus belles scènes sentimentale que j’ai vue.
Je suis vraiment contente de pouvoir recommencer à aimer ce que fait ce cinéaste, que je tiens pour quelqu’un de vraiment intéressant.
FB
(1) A noter que les producteurs ne s’y sont pas trompés ; au vu du succès des films au box-office, ils ont fait appel à un autre cinéaste/auteur américain, Christopher Nolan, pour mettre en scène la suite…
Pour info, Batman est un super-héros DC Comics et non Marvel.
Pour le reste, je suis entièrement d’accord avec toi. 🙂