Cinéma – Claude BARRAS : Ma vie de Courgette (2016)

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Décidément, le cinéma d’animation se porte bien en ce moment et nous donne à  voir de bien jolies choses. A côté des majors américains, blockbusters et les oeuvres asiatiques, dans la lignée des mangas et de Miyasaki, souvent très réussis les uns comme les autres, l’Europe se distingue d’après moi par son originalité, essayant sans cesse de réinventer le genre. Pensons à Michel Ocelot et ses figurines de papier découpé (« Ivan Tsarevitch et la princesse changeante » 2016), à Michael Dudock De Witt et son imaginaire mâtiné mi-Européen, mi-Asiatique (« La tortue rouge » 2016), aux hilarantes figurines en pâte à modeler de Nick Park (« Wallace et Gromit ») ainsi qu’aux petites  bêtes en 3D incrustées dans des paysages réels par Hélène Giraud et Thomas Szabo (« Minuscule », 2013).

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Princes et princesses

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Wallace et Gromit

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Minuscule

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La tortue rouge

« Ma vie de Courgette » (quel joli titre !) appartient à cette veine. Nous y suivons les aventures d’un petit garçon de neuf ans, Courgette, qui vient de perdre sa mère dans des conditions difficiles (il l’a tuée involontairement en voulant échapper à ses coups). Son père ayant quitté le foyer, il se retrouve dans un orphelinat avec d’autres enfants au passé difficile : parents en prison, expulsés, querelleurs… Qui les ont abandonnés de gré ou de force (plutôt de force, d’ailleurs). Courgette va apprendre à vivre avec eux et à construire une nouvelle existence.

Cette trame pourrait sembler banale, et pourtant, rien de tel…

Grâce tout d’abord à la poésie de l’animation, des marionnettes comme des personnages de Wallace et Gromit  qui auraient fait un tour par les films de Tim Burton. Des enfants à la tête surdimensionnée, bouille ronde et grands yeux ouverts sur le monde (que les adultes n’ont pas) ; ou ouverts grands sur le monde ? L’inexactitude des mouvements, par rapport à une oeuvre d’animation en 3D où tout est restitué à la perfection, au millimètre près, fait naître une émouvante beauté comme en écho à la maladresse des relations humaines.

Et surtout, saluons le scénario. Je n’ai pas été étonnée de retrouver derrière celui-ci le nom de Céline Sciamma, cinéaste à qui l’on doit de magnifiques films sur l’enfance et l’adolescence (1). Sans démonstration, avec une justesse confondante, elle sait restituer la dureté et la légèreté entremêlées de cette étape de la vie. Par petites touches, insignifiantes a priori mais qui disent tellement, elle nous donne à voir l’enfance, ici une enfance dure, parents pédophiles, délinquants ou violents qui ont profondément marqués leur progéniture. Et pourtant, entourés d’adultes bienveillants (nous aimerions penser que tous sont ainsi dans les orphelinats), ils vont aussi retrouver le rire et la tendresse. Sans pathos, empli de notations que nous sentons vraies, le film nous emporte dans le territoire des sentiments et sensations enfantines.

Et c’est absolument bouleversant…

Merci aux auteurs pour ce grand moment.

FB

(1) « Naissance des pieuvres » (2007), « Tomboy » (2011), « Bandes de filles » (2014), pour ceux que j’ai vus.