New-York, années 1980. Les frères Duke (Don Ameche (1) et Ralph Bellamy, dont on ne se lasse pas) font un pari idiot – si, si ça existe ! – sur la base de la théorie du déterminisme social, l’un maintenant que la naissance et l’éducation font tout pour la réussite d’un hommes et l’autre prétendant le contraire. Ils vont ainsi provoquer la ruine d’un des courtiers les plus brillants de leur banque, Louis Winthorpe III (Dan Acroyd) qui se retrouve à la rue, et installer à sa place Billy Ray Valentine (Eddy Murphy), escroc à la petite semaine. Le premier, en pleine déchéance, est finalement recueilli par Ophelia, une prostituée au grand coeur (Jamie Lee Curtis) pendant que le deuxième prend ses aises dans le très cossu environnement laissé par son prédécesseur, héritant également de son majordome (l’excellent Denholm Elliot, mais si, mais si vous le connaissez !).
Je replonge ici dans mes « films -racine-des années 80 », ceux qui m’ont laissé un très bon souvenir à l’époque. Et je dois dire que celui-ci fait vraiment partie du palmarès. Nous y avons vu l’émergence d’acteurs comme Jamie Lee Curtis (excellente ici, comme partout d’ailleurs) et d’Eddy Murphy (que je porte moins aux nues… Mais qui est dans ce film tout à fait bien).
Comme dans « Working girl » (Mike Nichols, 1988) ou « Boire et déboires » (Blake Edwards, 1987) ou encore « Wall Street » (Oliver Stone, 1987), le film nous montre l’euphorie bancaire et boursière des années 1980, quand tout paraissait possible vu des Etats-Unis, dans un contexte économique florissant, qui exacerbe le précepte « quand on veut, on peut », inscrit dans les gènes américains. La réussite individuelle est un credo, presque un fondement d’une civilisation qui a également fait du combat de David contre Goliath un de ses thèmes favoris. Nous sommes dans un environnement propice à propager le mythe de la possibilité pour tous à accéder aux plus hauts échelons sociaux. Et c’est ce que nous voyons ici.
Se greffe là-dessus l’aspiration à la justice, qui a fait les beaux jours du cinéma américain (voyez les innombrables films ayant pour thème des procès qui finissent in extremis par innocenter le coupable présumé). Nous avons ici deux « méchants », les banquiers frères, qui cherchent à manipuler des gens innocents et qui seront punis par où ils ont pêché, comme nous le rappelle Lucrèce (1)
Circumretit enim vis atque injuria quemque,
Atque, unde exorta est, ad eum plerumque revertit (2)
Nous sommes donc ici sur le comblement d’une injustice sur fond de réussite sociale.
Mais, me direz-vous avec raison, des films de ce type, nous en avons vu des milliers (il faut dire que c’est une trame particulièrement en faveur Outre-Atlantique), alors pourquoi celui-là ?
Et bien je vous répondrai que, nanti de cette brochette d’acteurs particulièrement remarquable, il s’avère vraiment drôle, enlevé et surprenant. C’est un divertissement d’une grande qualité, certes un peu standardisé à la base, mais auquel les différents protagonistes, pleins de talent, arrivent à insuffler un humour plein d’allant. C’est également une de ces oeuvres où nous voyons la passation entre deux générations d’acteurs, ceux qui ont donné leur meilleur dans les années 1940/1950 et les jeunes qui commencent à se faire une place.
Je vous le recommande, si vous ne l’avez pas vu (veinards !).
FB
(1) Don Ameche est le protagoniste principal du film « Le ciel peut attendre » de Franck Capra en 1943, excellent.
(2) Poète et philosophe latin du 1er siècle Av. J.C.
(3) « En effet, celui qui commet un acte de force et une injustice se prend dans ses propres filets car cela retombe sur son auteur » (Lucrèce, De rerum natura – De la nature des choses)
Excellent film, effectivement.
Autre film très drôle sur un thème similaire (parlant également d’un pari idiot sur la base de la théorie du déterminisme social) : Chienne de vie de Mel Brooks. 😉