Un homme – nous allons assister à son naufrage, balloté par des vagues géantes – s’échoue sur une île. Tel Robinson, il va arpenter ce nouveau territoire, où il est le seul humain, trouver de quoi subsister et mettre tous ses efforts à organiser sa fuite. Las, chaque fois qu’il réussit à mettre à l’eau un radeau, une mystérieuse créature le détruit. Nous verrons par la suite qu’il s’agit d’une tortue rouge géante, qui semble avoir à coeur de le garder sur l’île… Je ne vous en dirai pas plus.
C’est une histoire en apparence simple et pourtant bien complexe à bien des égards. Née de l’imagination d’un réalisateur néerlandais, qui a ici coopéré avec les Studios Ghibli (producteurs notamment des films d’Hayao Miyazaki), pour enfanter d’un objet hybride, où nous reconnaissons à la fois des traits occidentaux et d’extrême-orient. L’histoire est librement inspirée de « Robinson Crusoë », classique de la littérature anglaise, comme revisité par l’imaginaire japonais. La place de la nature n’en est que renforcée ; à l’esprit de découverte occidental, rationnel, qui tend à quadriller un territoire nouveau et à réfléchir à des solutions pragmatiques pour l’utiliser, s’ajoute toute la poésie onirique asiatique, qui crée partout des mystères hors de portée de l’homme. Cette conjonction de deux pensées/univers crée grand nombre de possibles imaginaires, que le spectateur pourra reconstituer. Il est ici question de solitude, de famille, de filiation, d’amour, d’osmose entre l’homme et la nature… C’est un voyage initiatique auquel est convié le héros, sûrement bien loin de celui qu’il avait rêvé (et auquel nous avions pensé). Le film laisse en nous une trace de poésie dont nous ne nous déferons pas.
L’animation est superbe, d’une précision remarquable dans les mouvements des protagonistes, leurs ombres laissées sur le sol, le va-et-vient des vagues, l’impact d’un fruit s’écrasant dans la forêt… Bien loin de l’hyperréalisme, cependant, seulement des notations tellement justes dans un océan de poésie.
Récipiendaire du Prix spécial du jury, catégorie « Un certain regard » au dernier Festival de Cannes, ce qui n’est que justice, ce film nous immerge dans une beauté limpide.
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