Cinémas – Fritz LANG : Le Ministère de la peur (1944)

ministere de la peur

Voilà un petit bijou de film noir, réalisé par l’un des maîtres cinéastes du genre (Fritz Lang) à partir d’un roman de l’un des maîtres écrivains du genre (Graham Greene).

Londres, 1944. Un homme sort de prison (ou d’hôpital psychiatrique ? Ce n’est pas très clair mais pas très important non plus). En attendant son train, il entre dans une fête foraine où il gagne un gâteau, grâce aux conseils d’une voyante. Peu après, il se fait agresser dans son compartiment par un homme qui vole le gâteau. Le voilà alors embarqué dans une affaire d’espionnage de grande envergure…

Disons tout d’abord que ces films en noir et blanc ont une élégance que la couleur atteint rarement, surtout quand ils sont réalisés avec une telle maîtrise. Il vous suffit de regarder la photo ci-dessus pour voir toute la beauté de l’image : les ombres portées sur le mur, les visages sculptés par une lumière froide, la blouse blanche de la femme qui s’oppose au costume sombre du héros. Un peu comme si notre oeil cessait de papillonner pour saisir les nuances des couleurs et se recentrait sur les seules gammes de lumière, l’image en devenant plus forte, presque spectaculaire à certains moments. Ajoutons à cela le fait que le film a été tourné presque exclusivement en studio, ce qui permet des éclairages très sophistiqués, qui accentuent encore cette dichotomie noir/blanc. La densité  créée autour de la photographie installe une atmosphère qui fait écho au caractère oppressant de l’histoire, très hitchcockienne, mettant en scène un héros innocent pris en étau entre la police et des « méchants » (1). Situé pendant la deuxième guerre mondiale, où les « méchants » sont personnifiés par des Nazis, cette course contre la montre d’un homme contre un système menaçant prend une dimension particulière, en résonance avec la volonté de combat pour la liberté qui animait le Peuple anglais à l’époque.

J’ai été ravie de retrouver Ray Milland, acteur hollywoodien né en Angleterre, surtout connu pour son rôle dans « Le crime était presque parfait » d’Alfred Hitchcock et « Le poison » de Billy Wilder (2). Excellent ici, tout en élégance et style, il est accompagné par une actrice un peu neutre, Marjorie Reynolds.

Film d’apparence classique, où Fritz Lang recycle, avec le génie qu’on lui connaît, les figures du film noir/film d’espionnage, c’est une oeuvre plus complexe qu’il n’y paraît.

Je ne peux que vous le conseiller.

FB

(1) Pour Alfred Hitchcock, voir par exemple « Cinquième colonne » (1941) ou, plus ancien, « Les 39 marches » (1935).
(2) Pour ce dernier film, il recevra en 1945/1946 à la fois le prix d’interprétation masculine du Festival de Cannes et l’Oscar du meilleur acteur.