Littératures – Jeffrey EUGENIDES : Le roman du mariage (2011)

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Nous approchons peu à peu de l’été (même si la météo n’est pas vraiment au diapason) et nous autres, lecteurs, sommes en train de chercher avec urgence des compagnons qui seront à nos côtés dans cette agréable période d’oisiveté. Car les vacances, pour nous autres, c’est de pouvoir prendre un livre à n’importe quel moment pour passer quelques minutes ou quelques heures plongés dans un autre monde (personnellement j’adore me réveiller au milieu de la nuit et prendre un livre sans la menace du réveil du matin, puis me rendormir la tête pleine d’un univers différent… A chacun sa marotte !). Ces objets estivaux doivent répondre à plusieurs caractéristiques : la compacité (le maximum de lecture, qualitativement parlant, dans le moins de poids possible ; j’excluerai ici les lecteurs de e-livres, hors champ), la facilité (bien que vous puissiez emporter avec vous les oeuvres complètes de Platon sans que personne y trouve à redire) et l’intérêt (les livres qui s’emparent de vous rapidement, car vous êtes en environnement différent et il vous faut un texte dans lequel vous absorber rapidement). Ils doivent être « plage-proof » pour les uns (faciles à comprendre entre deux trempettes et résistant aux éléments), consistants pour les autres (de ceux qui accompagnent une retraite à la campagne…). Bref, bien difficiles à identifier dans la jungle des parutions…

Et bien j’ai trouvé pour vous la perle, ce « Roman du mariage », un peu daté certes pour ceux qui recherchent les livres de l’été parus dans l’année, mais pas si âgé que cela, n’affichant que cinq ans au compteur, la prime jeunesse ! Il s’agit d’un roman écrit par un Américain d’origines grecque et irlandaise, déjà remarqué pour « Virgin suicides » en 1993 (1) et « Middlesex » en 2002 pour lequel il a reçu le Prix Pulitzer. N’ayant lu aucun des deux, je vais me concentrer sur le troisième dont il est question ici.

C’est un roman américain, sûr, nous le remarquons tout de suite dans la facilité à conter une histoire, à camper des personnages qui prennent vie en quelques traits de plume et surtout à tenir sur la longueur, sans ennui du lecteur. Comme je l’ai déjà dit ici, j’admire cette facilité toute américaine à construire un récit fluide, facile à lire dans une écriture qui se tient.

Ici il est question de Madeleine, jeune femme fraîchement diplômée de l’Université Brown à Rhodes Island, de ses débuts dans la vie et surtout de  ses amours. Amoureuse de Léonard, elle est aimée de Mitchell, deux garçons dissemblables et pleins d’avenir l’un comme l’autre.

Au travers d ‘allers-retours entre époques (assez courtes, je dirai que le roman embrasse un à deux ans), dans un récit qui nous emporte, ne cessant de pulser et d’aller de l’avant, nous allons suivre ces aventures amoureuses qui, au final, ne comptent pas tant que cela, éclipsées par toutes les fioritures/digressions que l’auteur ajoute de çà de là. Avec une grande culture, étendue en termes de spectre, l’écrivain parsème en effet son récit de ses connaissances, comme si l’histoire n’était qu’une armature sur laquelle il viendrait accrocher des fragments de culture générale pour mieux l’orner. Sont ainsi évoqués par exemple, et pèle-mêle, la sémiotique, la psychose maniaco-dépressive, les « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes (2), la culture des levures en laboratoire, Athènes, l’Inde… tous ces sujets intégrés au propos principal qui nous parle de fêtes, d’états d’âme amicaux ou amoureux, de jeunes qui recherchent un sens à leur vie. Bien loin d’empâter la ligne principale, toutes ces incursions secondaires brillantes et fort à-propos lui font comme un cocon qui la mettent en valeur.

J’ai lu le livre en quelques jours et je ne peux que le recommander.

FB

(1) Adapté avec brio au cinéma par Sofia Coppola en 1999.
(2) Un de mes plus gros coups de coeur de ma vie de lectrice.