Un procès est sur le point de se terminer. Un jeune homme est accusé d’avoir tué son père d’un coup de couteau dans le coeur, après une dispute. Tous les témoignages concordent, notamment celui d’une femme qui a vu depuis l’autre côté de la rue le garçon plonger son couteau dans le corps de son père et celui d’un vieil homme habitant l’appartement en dessous de celui de la victime et qui a aperçu le meurtrier présumé s’enfuir par l’escalier.
Le film va couvrir la délibération des jurés (notons au passage que ce sont tous des hommes blancs…) du début à la fin. Dans une forme presque théatrale et très épurée, il retrace un huis-clos où douze citoyens sont confrontés à la notion de justice et plus avant, à la vie et à la mort ; car c’est la peine capitale qu’encourt le présumé coupable.
Lors du premier vote qu’ils font entre eux, tout semble joué, car onze déclarent l’accusé coupables. S’élève alors une voix différente, celle d’Henry Fonda, le juré n°8, qui va faire part de son « doute valable », développant un point de vue singulier qui ne veut pas se fier aux apparences, fussent-elles portées par des témoins oculaires, une enquête de police et des plaidoyers d’avocat et procureur. Ce qu’il expose ici, ce n’est pas qu’il croie l’accusé non coupable, mais plutôt que toutes ces preuves amassées ne parviennent pas à éteindre ce doute qui l’habite. Nous sommes au coeur du principe de la présomption d’innocence, selon laquelle on ne peut condamner quelqu’un tant qu’un doute subsiste sur sa culpabilité. C’est donc une leçon de droit à laquelle nous assistons, Henry Fonda luttant contre les opinions toutes faites, l’impatience de certains à en finir, la propension d’autres à mélanger cette histoire avec la leur, pour les ramener vers les faits, rien que les faits et les obliger à aller voir au-delà de ce qui leur a été présenté.
C’est également une leçon de morale qui est donnée ici, au sens politique du terme : l’égalité des citoyens est affirmée, tant dans le regard que les jurés finissent par porter sur le présumé meurtrier après avoir, pour certains, émis un jugement stéréotypé sur l’individu (« un sale gosse » dit un des jurés à un moment donné). Ce jeune homme, victime de violences dans sa jeunesse, qui apparaît perdu et peu intégré, le juré n°8 va tout faire pour lui rendre sa dignité d’homme à part entière, en prêchant la neutralité. Egalité aussi des jurés entre eux ; ils sont tous habillés pareils, nous ne connaîtrons pas leurs noms, et peu de leurs caractéristiques. Et pourtant le cinéaste leur donne à chacun une personnalité qui peut nous amener, nous spectateurs, à nous faire une idée rapide sur eux : spectaculaire mise en abyme de nous, amenés à tirer des conclusions rapides sur des gens, tout en regardant un film dans lequel un homme se bat contre les clichés.
L’argumentation développée est passionnante, prenant la forme d’une enquête policière bis, où tout va être pesé à nouveau par ces douze hommes. Les rebondissements pourraient paraître poussés à l’extrême, mais sont finalement cohérents et sans esbroufe. Le film vous prend ainsi dès le départ pour ne plus vous lâcher. Allégorie de cet affrontement où se joue la vie d’un homme, cette chaleur étouffante qui accable les jurés, jusqu’à la délivrance de l’orage qui éclate, comme éclatera en sanglots l’un d’entre eux à la fin du film.
Pour mieux mettre en place cette atmosphère pesante et dramatique, le cinéaste serre de près ses personnages, les enfermant dans l’objectif de sa caméra sans les lâcher.
Notons une interprétation impeccable, avec une mention à Henry Fonda, certes, mais également à Lee J. Cobb, un de ces acteurs que l’on connaît, que l’on a vu mille fois, mais sans retenir son nom.
C’est donc un chef d’oeuvre, que je vous recommande de voir.
FB
Un petit éclairage sur un classique du cinéma fait toujours du bien. 🙂