Cinémas -Jérôme LE MAIRE : Premiers crus (2014)

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Coincée à bord d’un long courrier, après avoir vu « Mon roi » de Maïwenn, je me suis laissée tenter par un film que j’évaluais être plus facile, une oeuvre de bonne facture dans la tradition française, sans surprise mais très carrée, tout cela avec une belle distribution qui me faisait vraiment envie (Jalil Lespert, Gérard Lanvin, Laura Smet, Alice Taglioni).

Et là, j’ai assisté à quelque chose de très cohérent dans le ratage… « Premiers crus » ou  comment transformer une idée a priori neutre voire plutôt intéressante quelque chose où le cinéaste va faire tous les mauvais choix de mise en scène, les uns après les autres…

Soit Charlie Maréchal (ces noms ne s’inventent pas), qui a quitté son père viticulteur et fait une carrière brillante comme critique oenologue à Paris. Le domaine familial étant au bord de la faillite, il revient pour essayer de récupérer la situation, avec l’objectif de produire un vin de qualité (pour lui qui passe son temps à porter des jugements sur les vins des autres, c’est un vrai défi !). Il doit bien sûr faire face à des liens insoupçonnés (enfin, nous on s’en doutait, mais bon) entre son père et une autre propriétaire de vignes qui cherche à racheter ses terres. Et comme par hasard, il entame une histoire d’amour avec la fille de cette femme ! Que les choses sont bien faites…

Bref, tout cela est d’un simplisme confondant, du niveau d’un téléfilm de M6 ou de France 2 diffusé en début d’après-midi en semaine ! Nous voyons venir les « coups de théatre » à trois kilomètres, ce qui rend, je dois dire, assez risible la surprise des protagonistes lorsqu’ils découvrent le fait nouveau. Ne cherchez pas ici quelque réflexion sociologique que ce soit, nous sommes dans un formatage de pensée, aucune place pour autre chose qu’une intrigue mollement menée, pleine de lieux communs et de clichés. Tel Charlie, qui habite 180 m² avec piscine intégrée dans le Marais à Paris et a une liaison avec son assistante, jolie, à la mode et sans épaisseur. Ou Gérard Lanvin en chef de domaine bourru, patriarche à la parole rare, tout en intériorité. Et Christopher, originaire d’Oregon, blond barbu et tout en muscles, avec ses chemises à carreaux, nous ne l’aurions pas imaginé autrement. Toute une galerie de personnes exactement à la place que nous avions prévue, sans aucune surprise.

Les images sont à l’avenant (voir affiche ci-dessus). Ah, les vignes qui frissonnent dans la brise sur fond de coucher (ou de lever) de soleil, l’homme qui parcourt ses vignes à pied, l’entreprise d’achat de vin dont tous les membres sont en costume noir et cravate. Des clichés comme s’il en pleuvait !

La musique prend le même chemin (je vous ai dit, objet cohérent, qui file droit sur sa lancée), entre mélopée à la flûte traversière (qui n’en demandait pas tant), musique qui reproduit ce qu’ils imaginent être un truc qui bouge genre un peu rock, pathos en partition lorsque se profile un moment d’émotion, bref, un camaïeu de sons qui envahissent le film sans aucun but, vivant leur vie propre de musique d’ambiance mille fois entendues.

Et le casting, si alléchant, patauge comme il peut dans cet objet filmique, essayant de s’en sortir au mieux sans y réussir complètement (mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?, pour paraphraser Molière).

Bref, c’était très intéressant de voir ce film, pour se rendre compte que certains metteurs en scène ont un projet dont je n’arrive pas à comprendre la finalité, mais qui fonctionne puisqu’il est montré sur les écrans de cinéma. Si nous parlons ici du label « qualité française », utilisé depuis quelques années pour désigner un certain genre cinématographique, nous avons du souci à nous faire !

Une bonne occasion de réflexion pour moi
Un film plus que médiocre.

FB