Cinémas – Leyla BOUZID : à peine j’ouvre les yeux (2015)

a peine j'ouvre les yeux

Tunis, 2010. Farah, jeune femme de 18 ans vit un été charnière entre l’adolescence et l’âge adulte. Brillante élève, elle est également la chanteuse d’un groupe contestataire, au sein duquel elle vit une histoire d’amour avec Borhène. C’est le récit de cette courte période que nous conte la cinéaste.

La première chose qui vous prend et ne vous lâche pas, c’est la beauté de l’héroïne incarnée par Baya Medhaffar ; il ne s’agit pas ici simplement de la plastique de l’actrice, superbe jeune femme au demeurant, mais également de sa manière d’être et de sa mise en valeur par une caméra qui l’accompagne de sa bienveillance. Elle irradie de sa sensualité de femme enfant tout au long du film.

Leyla Bouzid, enfant du pays, excelle à nous en restituer l’atmosphère par de petites notations très quotidiennes ; l’appartement où vit la mère, habitée par une domestique qui l’assiste dans ses tâches ménagères, les rues nocturnes habitées de lumières éparses et de rares voitures, le chantier où travaille le père. Je citerai ce superbe plan d’ouverture dans un train, où nous sentons les regards des hommes coller aux femmes en des cadrages resserrés sur leurs individualités qui finissent par s’agréger pour former une vision de l’identité masculine.

Au milieu d’un monde traditionnel, bars fréquentés par les hommes, ouvrage quotidien des femmes, repas et réception traditionnels, la cinéaste installe la révolte de la jeune femme (préfiguration de la Révolution qui va suivre au printemps suivant ?). Comme bien des filles de son âge, elle cherche à se démarquer, fréquente les bars peuplés d’hommes, se donne en spectacle dans des concerts, boit parfois plus que de raison, pour essayer de décider de sa vie. Subtilement, la mise en scène oppose les deux mondes, offrant un contraste net entre la sérénité d’un cadre ancestral (beaucoup de plans fixes et nets) et la vie plus risquée de l’héroïne (plans floutés, caméra mobile et cadrages faussement imparfaits), à l’image de ce que chante cette jeune fille, accompagnement traditionnel du oud, soupçon de rock et paroles très engagées. Tout cela donne une vraie profondeur à cette histoire classique qui aurait pu être un énième film de plus sur l’adolescence.

A voir.

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