Cinémas – Grímur HÁKONARSON : Béliers (2015)

béliers

Du cinéma islandais, du pur, du vrai !
Nous sommes ici à confrontés à une Islande bien loin de Reykjavik ou de la grande place financière que nous imaginons, un pays presque désert, rude, peuplé d’habitants semblables à des pionniers perdus dans des immensités vides, avec pour (presque) seuls compagnons, les moutons qu’ils élèvent.

Deux frères, qui habitent à côté l’un de l’autre, et pourtant fâchés depuis des décennies, sont au centre de l’histoire. Le film s’ouvre sur un concours de béliers, remporté par l’un des frères au grand dam de l’autre. Ce dernier, en examinant le bélier vainqueur appartenant à son frère, pense détecter la tremblante du mouton (1). Va se mettre en place, dès ce moment, un drame qui va non seulement toucher toute la région mais également ébranler les relations entre les deux frères ; je ne vous en dirai pas plus, vous me connaissez 😉

C’est un film méditatif, de ceux qui prennent leur temps pour évoquer des hommes perdus dans une nature qui n’a rien de merveilleux ni de sublimé, une nature qui peut être très belle et pourtant hostile, portant en elle les tempêtes et les maladies. Ces hommes sont devenus durs et rugueux, à son image, à force de lutter contre elle pour en tirer quelque chose ; ils sont enfermés dans le silence, mots rares et abrupts, et solitude (aucun des deux frères n’est marié et ils passent seuls leurs journées le plus souvent). Il se produit d’ailleurs une sorte d’assimilation entre ces pics enneigés, ces plaines solitaires et ces deux hommes blanchis sous le harnais, rudes et fiers. Comme si l’environnement finissait par modeler l’homme qui l’habite (2).

C’est également une tragédie (3) à laquelle nous assistons, dans ce décor immense et vide qui lui donne d’autant plus de résonance, et qui va culminer dans ces dernières images, d’une grande force humaine.

Les deux acteurs (et les autres), sont impeccables et nous restituent parfaitement cette histoire à la fois diluée et resserrée.

Un film que je recommande, sauf si vous êtes allergiques aux moutons, béliers et autres caprins.

FB

(1) Maladie incurable qui affecte le système nerveux des moutons.
(2) Appliquez mon raisonnement à la ville et vous verrez qu’il n’est pas si loufoque que cela !
(3) Et nous ne sommes pas si loin de l’étymologie du mot, qui signifie en grec « chant du bouc », en référence aux sacrifices de boucs à la gloire du Dieu Dyonisos.