Cinémas – KHEIRON : Nous trois ou rien (2014)

nous trois ou rien

Il est certains films qui sont en état de grâce, trouvant le ton juste entre rire et gravité (on les nomme souvent, fort à propos, « comédies dramatiques »). En 2010, par exemple, Michel Leclerc nous avait régalé avec « Le nom des gens », film d’une liberté et d’une fantaisie que nous retrouvons ici, avec sûrement plus de sérieux, vu le sujet.

Hibat, Iranien opposant au Shah, puis, après sa chute en 1979, au régime islamique qui prend sa place, décide de fuir en France avec sa femme Fereshteh et son fils Nouchy au début des années 1980. Echoués dans la banlieue Nord de Paris, à Stains, ils vont construire une nouvelle vie en aidant les habitants à reconquérir leur cité.

C’est une histoire autobiographique, où Kheiron parle de ses parents (et joue le rôle de son père) et conte la trajectoire hors du commun d’un homme résistant (1) et engagé, qui fait son chemin en toute modestie, trouvant la ressource nécessaire à cela dans sa famille. Loin d’être hagiographique, le récit laisse voir toute l’admiration et la tendresse qu’éprouve ce fils pour ses géniteurs (et il y a de quoi !).

C’est un film à la trame rude, nous montrant à voir la répression de ces deux régimes autocratiques qui se sont succédé en Iran, dans toute sa dureté (prison, assassinats d’opposants…).

Et c’est pourtant un film qui nous raconte la vie, la pulsion vitale, l’amour de l’Autre, qui va guider les pas des héros d’abord en Iran et surtout dans cette parcelle de France où l’intégration est en panne et où rôde la violence. Déracinés eux-mêmes, Hibat et sa femme comprennent ces exilés qui peuple la cité, leur colère (qui a été la leur) et trouvent comment leur parler. Ce qui donne des scènes à la limite de la mièvrerie, considérées hors contexte, mais qui, éclairées par le parcours antérieur des protagonistes, sonnent juste.

Ce recul sur les situations s’illustre aussi par l’humour débridé qui habite le film. Le ton est donné par Alexandre Astier en Shah d’Iran (il n’a que quelques minutes de rôle, mais il est hilarant) et toute la troupe lui emboîte le pas en une joyeuse dérision, qui dit la victoire de l’espérance sur le désespoir, de l’existence sur la mort.  Portés par de savoureux comédiens seconds rôles, comme Zabou Breitman, Gérard Darmon ou Michel Vuillermoz, et par les deux acteurs principaux, Kheiron et Leila Bekhti, fort justes, les dialogues, fluides et plein de drôlerie, font mouche.

C’est donc un très joli film, que je recommande absolument, et qui après les récents événements dramatiques, non seulement nous permet de retrouver le sourire, mais également de voir que d’autres voies d’intégration sont possibles.

Merci Kheiron pour cette leçon.

FB

(1) A tout sauf à sa femme 😉