Cinémas – Kenneth BRANNAGH : Cendrillon (2015)

cendrillon

En forme de pirouette, « Plus dure sera la chute » et « Titanic » (1) sont les deux titres de cinéma qui me viennent à l’esprit pour décrire ce que j’ai vu ici…

Kenneth Brannagh, dont j’avais adoré « Dead again » (1991) et « Peter’s friends » (1992) nous livre ici une relecture plate et sans intérêt du conte de fée, tellement littérale que j’en suis restée ébaubie – oui vous avez bien lu : é-bau-bie !

L’affiche vous dit déjà tout, Cendrillon est parfaite, mince, jeune et blonde, elle porte une magnifique robe (ah, quel dommage de révéler dès avant le film le design de la robe, un des mécanismes les plus à suspens de ce récit dont nous connaissons déjà tout !) et nous sommes bien dans un conte de fées avec ce ciel plombé où surgissent des rayons de lune, et lueurs qui illuminent la robe. Un zoom supplémentaire sur la pantoufle de verre (2) et tout est dit : nous sommes dans une version académique du conte, ce que nous allons voir plus avant.

L’histoire est scrupuleusement respectée, tout y est jusqu’au plus minuscule détail, nous y croisons même les souris de l’adaptation Disney. Le réalisateur inscrit tout cela dans une atmosphère bien anglaise, qui lorgne vers les adaptations des romans de Jane Austen, demeures en forme de manoirs opulents, vertes prairies et mobilier digne de « House and garden » (3). Les costumes sont à l’avenant, ils éclatent de couleurs originales dans leur riche aspect fraîchement coupé. Lumières et caméra ne sont pas en reste pour à la fois enrichir ce monde de chaleur douce et mouvements fluides, qui ne cessent de chercher à mettre en valeur les personnages jusqu’à leur donner une allure de chromos à la Pierre et Gilles (4). Ajoutez à cela des dialogues convenus et une musique mille fois entendue sur le même thème et vous mesurerez devant quel objet convenu et sans âme nous nous trouvons.

Film circulaire, en cela qu’il s’enferme dans une atmosphère pesante, mais cohérente, en collant tellement à son propos qu’il ne reste plus d’espace de respiration pour que la magie opère, il devient un objet lourd, si lourd, qu’il provoque rapidement l’ennui. Nous regrettons l’alacrité de « Nanny Mc Phee » ou de « A tout jamais », dans le même registre, qui introduisaient quelque chose de vraiment neuf, sans cesser de traiter le sujet (5). Ici, aucun souffle, aucune empathie avec un personnage quelconque ne vient raviver notre univers d’enfant. Pouvons-nous ici parler d’adaptation ? Ce qui supposerait d’avoir une pensée un peu personnelle et une vision sur le sujet, qui manquent cruellement.

Passons sur les « guest stars », dont nous nous demandons pourquoi elles sont venues se fourvoyer dans ce film ; même Cate Blanchett n’arrive pas, malgré son grand art et la mise en valeur de sa plastique impeccable dans des tenues, dignes d’une montée des marches à Cannes un peu déjantée, à faire éclater les conventions autour du personnage de la marâtre. D’autres, ne les citons pas, sont juste venus cachetonner dans ce tournage (nous ne pouvons penser qu’ils ont cru à une oeuvre…).

Bijoux magnifiques, étoffes précieuses, meubles de roi, demeures somptueuses, comédiens hors-pairs, tout cela s’engloutit dans un gris morne et empesé, pour créer chez le spectateur un détachement rapide et irréversible (6).

Kenneth, oublie les adaptations lourdingues de contes de fées et autres « Flûte enchantée » et reviens-nous comme nous t’aimions, avant !

FB

(1) « Titanic », James Cameron (1998) – « Plus dure sera la chute », Mark Robson (1956).
(2) En réalité il s’agit d’une pantoufle en vair, fourrure d’écureuil.
(3) Journal de décoration anglais, que je feuillette pas mal ces temps-ci, voir article plus bas 😉
(4) Artistes français, célèbres pour leurs photographies.
(5) « Nanny Mac Phee », Kirk Jones (2005) – « A tout jamais », Andy Tennant (1999)
(6) Le croyez-vous, j’ai été obligée de revisionner certains passages à une semaine de distance pour me souvenir des scènes ?