Cinémas – Terry JONES : Absolutely anything (2015)

Absolutely anything

Il faut faire confiance aux Anglais pour savoir manier l’humour car ils le font de manière unique ; non pas la franche rigolade, du genre on-se-tape-sur-les-cuisses (même si cela peut provoquer une attitude de ce genre chez les spectateurs 😉 ), nous sommes dans quelque chose de plus subtil, qui joue sur le décalage, l’irruption de l’incongru dans un contexte « normal » (rappelez-vous Bridget Jones vêtue en lapin Play-Boy pour une fête où personne n’est déguisé, par exemple, cela me semble un summum du genre). Cela peut aller jusqu’à l’absurde, si l’on tire jusqu’au bout une bonne idée de départ…

Et c’est le cas, quand les Monty Python sont aux commandes… Ici Terry Jones, fringant septuagénaire, réalisateur des films « commis » par l’équipe, « Sacré Graal », « La vie de Brian », « Le sens de la vie » et j’en passe, signe un film fort drôle, moins acerbe peut-être que les opus cités, prenant la forme d’une comédie romantique (avec la ravissante Kate Beckinsale) (1).

Mais c’est pour mieux torpiller le genre de l’intérieur. Car le héros, joué par l’impeccable Simon Pegg, Anglais moyen, professeur médiocre, vivant seul avec son chien Dennis mais qui en pince un peu pour sa jolie voisine, ne se doutait pas de ce qui allait lui arriver – et nous non plus, du reste. Choisi par un Conseil intergalactique d’Aliens, qui doutent de la bienveillance des Humains, il doit leur prouver que la Terre vaut la peine d’être épargnée. Doté à son insu par ces puissances extra-terrestres du pouvoir d’accomplir ce qu’il veut, il est censé l’utiliser pour faire le Bien dans les dix jours, sous peine de voir sa planète et tous ses habitants pulvérisés, sans rien savoir de cet enjeu…

A partir de là nous reconnaissons l’esprit frondeur et de « nonsense » (2) qui caractérise la troupe anglaise. Au gré d’un scénario simple, presque basique, car ce n’est pas la l’intérêt du film, ils accompagnent le héros dans ses tâtonnements hilarants dans ses tentatives pour apprivoiser le sort qui lui est confié, semant sur son passage gags et dialogues réjouissants. Un exemple : le héros, devant son miroir, demande à avoir le corps d’un homme magnifique, et se retrouve transformé en Einstein ; réajustant sa demande pour un « très beau corps », il se voit nanti d’un très sexy corps de femme ! (3). Et je ne parle pas du quiproquo sur le verbe « adorer/worship », excellent. Car les Monty Python, s’ils manient le comique gestuel (4) aiment également provoquer le rire à partir du langage, qu’il s’agisse de confronter des accents ou des manières de parler, ou de jouer sur les mots. Ici, par exemple, les Aliens, grâce à leur traducteur automatique, se retrouvent nantis de prénoms de femmes, « Sharon », etc… Qui ne reflètent que bien mal leurs silhouettes de monstres. Autre tropisme qui leur est propre, faire intervenir des Deux ex Machina dans le destin des Hommes : Dieu, dans « La vie de Brian », soucoupe volante et voitures de police dans « Sacré Graal « , et ici ces extra-terrestres, qui se retrouvent comme plaqués sur une comédie anglaise typique, pour lui fournir son sujet. Et c’est tellement énorme que cela passe, comme d’habitude.

N’oublions pas les personnages secondaires, tous plus extravagants les uns que les autres, de la professeur de gymnastique qui se transforme en gourou de Krishna au fiancé pervers, en passant par l’animatrice de talk show Fenella (5), avec une mention spéciale au chien Dennis, auquel le regretté Robin Williams donne sa voix (il faut l’entendre répéter « biscuits, biscuits », et si vous n’avez pas un fou rire…). Les membres des Monty Python n’ont pas pu résister eux-mêmes à prêter leurs voix au Conseil intergalactique ; quelle émotion de ré-entendre John Cleese, Michael Palin, Eric Idle, Terry Gilliam et… Terry Jones lui-même.

C’est un film sans prétention, unique et réjouissant. A voir absolument entre un blockbuster de l’été et la rentrée cinématographique.

FB

(1) Tellement jeune que je ne l’aurais pas reconnue à quarante-trois ans…
(2) Désolée, mais je ne trouve pas de mot qui puisse traduire ce concept tellement anglais : « non sens » est un mot sérieux et critique, « absurde » ne dit pas tout à fait la même chose.
(3) Harold Ramis dans « Endiablé » (2000), où Brendan Fraser pouvait exaucer un certain nombre de voeux, jouait un peu sur le même ressort.
(4) Revoyez le sketch sur « Le Ministère des démarches ridicules ».
(5) L’occasion de revoir Joanna Lumley, la magnifique protagoniste de la série « Chapeau melon et bottes de cuir » et la désopilante Patsy Stone dans la série « Absolutely fabulous ».