Ouest de l’Andalousie, années 1980 – juste après la chute de Franco. Deux policiers arrivent dans un village andalou près du Parque nacional de Doñana pour enquêter sur la disparition de deux jeunes filles, Carmen et Estrella. Dans la moiteur chaude de cette région d’Espagne, près de l’embouchure du Guadalquivir, les deux collègues vont mener une investigation au cordeau, qui va mettre à jour la vérité.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’extraordinaire « Les hommes qui n’aimaient pas les femmes » de Stieg Larsson, premier tome de la trilogie « Millenium » au cours duquel le héros, Mikael Blomkvist, mettait à jour, patiemment, les horribles secrets enfouis d’une famille et d’une petite communauté coupée du monde sur une île de Norvège. Ici, nous sommes dans une région de l’Espagne, perdue aux confins de l’Andalousie et de l’Extremadure, dont les revenus sont principalement agricoles et où nous sentons rôder partout la pauvreté et l’ennui ontologique ; bien des jeunes rêvent de la quitter pour des endroits plus « sexys » comme la Costa del Sol. Les protagonistes que croisent les deux enquêteurs sont le plus souvent mal dégrossis, taiseux, voire prêts à exploser ou à tout dire pour échapper à la chape de plomb qu’impose cette vie en communauté. Tout est pesanteur sous le soleil incandescent.
C’est donc à un polar tout ce qu’il y a de plus classique auquel nous assistons, deux flics qui ne se connaissent pas et vont apprendre à coopérer, des fausses pistes, des tatonnements, des gens qui avouent, parfois sous la contrainte (il faut dire que l’un des deux policiers a un passé plutôt trouble comme agent spécial de la police franquiste…). Mais nous ne sommes pas dans un film américain du genre, et tant mieux, place à la subtilité (oui je sais, c’est méchant, mais assez vrai, reconnaissez-le). Ainsi, la collaboration des deux policiers ne débouchera pas sur une amitié sans limite, même si l’un sauve la vie de l’autre à un moment donné. Ainsi, certains actes criminels ne seront pas punis, seul le principal trouvera son châtiment. Ainsi, nous n’aurons pas droit à une histoire d’amour sortie de nulle part. Ainsi, tout n’est pas blanc ou noir…
A cette histoire sombre et classique, le cinéaste se plaît à opposer la splendeur des femmes et des paysages, tel un contrepoint qui viendrait ponctuer la noirceur du propos. En premier lieu celle des jeunes filles, qui sont superbes, curieusement opposées à des hommes en majorité sans attrait particulier, comme si la région était un « réservoir » à beauté féminine (ce qui sert le propos, comme le film le montre). Et surtout la magnificence de ces paysages, que l’auteur se plaît à filmer en vue aérienne, pour notre plus grand plaisir. Ce ne sont que méandres de ruisseaux serpentant pour rejoindre la mer au milieu de paysages verts ou arides, c’est selon – image des sinuosités de l’enquête policière, qui sait ? – traversés d’une somptuosité de flamants roses qui s’ébattent par centaines. La beauté à l’état pur…
Rendons justice aux acteurs, excellents, notamment Javier Gutiérrez (II), qui incarne Juan et sait nous faire sentir tout le trouble du passé qui l’agite.
C’est un film que je recommande vivement
FB