Amy Winehouse (1983-2011) est sûrement l’une des grandes artistes anglaises récentes, décédée prématurément à l’âge de 28 ans (1), après une ascension foudroyante dans le monde de la musique. Elle publie son premier album en 2003 et quatre ans après, remporte quatre Grammy awards ainsi que le Brit award de la meilleure chanteuse. Avec sa voix rauque, son excellence à chanter le blues et le jazz, ses chansons noires et intimes, elle conquiert ses galons dans le show business. Ajoutons à cela un look très original, piercings et tatouages se mariant avec tenues sexy et talons hauts, pour créer une icône très féminine (qui a inspiré la mode de l’époque). Ainsi naît un personnage haut en couleurs et tout à fait spécifique, propre à susciter l’engouement des foules et dont le film va nous conter la montée au firmament et la chute qui s’ensuit.
Parlons d’abord de cet objet filmique très particulier… C’est un documentaire, réalisé à partir de vidéos existantes, qu’elles soient privées ou publiques, et nous nous rendons compte à quel point nous sommes maintenant exposés en termes d’image. Car bien des extraits montrés ici appartiennent à des archives personnelles familiales, amicales, qui viennent s’ajouter aux images officielles pour sculpter le portrait de la chanteuse. C’est pour moi la première fois où je vois combien un cinéaste est capable de restituer un personnage à 360°, sous tous ses angles, à partir de tous les films, photos, interviews, qui ont été réalisés avant le projet qui l’anime ici, donc objets tous non intentionnels par rapport au propos (2).
L’intérêt principal du film (et heureusement 😉 ), c’est cette femme magnétique, à la fois frêle et forte (je sais, cela a l’air d’un mauvais oxymore, mais c’est bien le cas, elle passe par des sommets de force pour sombrer ensuite dans des gouffres de fragilité). Ceux d’entre vous qui ont suivi son actualité ne découvrirons peut-être pas grand chose, il n’y a pas de révélation fracassante, ce n’est pas une enquête qui nous conduirait à découvrir un pot aux roses quelconque, juste le récit d’une vie, un peu extraordinaire certes, soyons honnête ! Je ne dirai rien ici sur le fait que le metteur en scène ait pris partie pour l’un ou l’autre des protagonistes, je n’ai rien pour évaluer cela. En donnant la parole, en voix off, aux amies, au père, au producteur, au mari, le cinéaste mélange des points de vue différents, à chacun de se faire une idée…
Et pendant deux heures vingt, qui passent comme quelques minutes, nous voyons Amy Winehouse se muer de jeune fille boutonneuse en star interplanétaire ; j’ai été captivé par cette personnalité hors du commun, vraie, qui ose tout ce qu’elle a envie de faire, si loin du star system même en étant au centre (3). Pas d’ostentation revendiquée, il suffit d’ailleurs de la voir, perdue, mitraillée par les flashs de centaines de paparazzi, comme sidérée et incapable d’esquisser un geste.
D’un côté le conte de fée : issue d’une famille modeste (père chauffeur de taxi, mère pharmacienne), elle trouve sa voie dans l’écriture et l’interprétation de chansons – plutôt tristes, disons-le (4). Puis vient la gloire avec l’album « Back to black » en 2006, qui marque le début d’un succès qui ne se démentira pas. Elle devient une des femmes les plus riches d’Angleterre, épouse l’homme qu’elle aime, après quelques vicissitudes, certes, mais que demander de plus ?
Et de l’autre, la descente aux enfers : instable et dépressive depuis l’adolescence, elle abuse de toutes les drogues possibles, héroïne, cocaïne, alcool. Ajoutons à cela une tendance boulimique et nous comprenons pourquoi, à l’âge de vingt-quatre ans, elle est hospitalisée une première fois en état grave d’abus de drogues. Bien que parfaitement consciente du danger qu’elle encourt (risque cardiaque et début d’emphysème, entre autres), elle continue sur le même rythme, ponctué de périodes – courtes – d’abstinence, jusqu’à l’issue fatale, le 23 juillet 2011 ; comme si elle montrait à quel point elle souhaitait en finir…
C’est à la fois un très bel hommage à une femme hors du commun qui va jusqu’au bout de la vie qu’elle peut vivre et une réflexion parfois cruelle sur notre vision des « stars », que nous portons aux nues plus que raisonnable et que nous n’hésitons pas à descendre en flammes au moindre dérapage, témoin ces caricatures faites par les humoristes sur son penchant pour la boisson (5).
A voir absolument.
FB
Et en hommage :
(1) A peu près au même âge que Curt Kobain, chanteur de Nirvana, Jim Morrison, chanteur des Doors, et que Janis Joplin… Soit le « club des 27 », que je vous souhaite de ne jamais rejoindre (pour moi c’est tout bon !).
(2) Et je pense même que nous serions capables de faire de même avec des inconnus, pour peu qu’ils soient nés après l’invention des nouveaux moyens de prise de vue (dans l’ordre : appareil photo numérique, caméra numérique et smartphone/tablette)…
(3) En cela, je l’opposerai par exemple à ces femmes telles que Britney Spears ou Miley Cirrus … Pour qui la musique est un moyen de la renommée, cette dernière étant la finalité.
(4) Paroles de « Back to black » :
He left no time to regret
Il ne m’a pas laissé le temps de regretter,
Kept his dick wet
A repris sa bite mouillée
With his same old safe bet
Comme toujours, sûr de lui
Me and my head high
Moi, et ma fierté
And my tears dry
Et mes larmes séchées
Get on without my guy
Nous en sortirons sans lui.
You went back to what you knew
Tu es revenu à ce que tu connaissais
So far removed from all that we went through
Si éloigné de tout ce que nous avons vécu ensemble
And I tread a troubled track
Et je marche sur une route dégueulasse
My odds are stacked
Mon destin est tout tracé
I’ll go back to black
Je retournerai en dépression.
We only said good-bye with words
Nous ne nous sommes seulement salués qu’avec des mots
I died a hundred times
J’en mourus des centaines de fois
You go back to her
Toi tu retournes vers elle
And I go back to…
Et moi je retourne…
I go back to us
Je retourne à nous.
I love you much
Je t’aime beaucoup
It’s not enough
Ce n’est pas assez
You love blow and I love puff
Tu aimes la coke, moi j’aime l’herbe. (*)
And life is like a pipe
Et la vie est comme une pipe
And I’m a tiny penny rolling up the walls inside
Et je suis une petite pièce de monnaie qui roule le long des murs.
We only said goodbye with words
Nous ne nous sommes seulement salués qu’avec des mots
I died a hundred times
J’en mourus des centaines de fois
You go back to her
Tu retournes vers elle
And I go back to
Et je retourne au
Black, black, black, black, black, black, black,
Noir, noir, noir, noir, noir, noir, noir
I go back to
Je retourne au
I go back to
Je retourne au
We only said good-bye with words
Nous ne nous sommes seulement salués qu’avec des mots
I died a hundred times
J’en mourus des centaines de fois
You go back to her
Tu retournes vers elle
And I go back to
Et je retourne au
We only said good-bye with words
Nous ne nous sommes seulement salués qu’avec des mots
I died a hundred times
J’en mourus des centaines de fois
You go back to her
Tu retournes vers elle
And I go back to black.
Et je retourne au noir
(5) Florence Foresti, par exemple :