Deux ans après « Barbara« , voilà le nouvel opus de Christian Petzold, toujours en forme d’introspection de l’histoire allemande ; la où le film précédent nous transportait en Allemagne de l’Est dans les années 1980, celui-ci nous emmène revisiter un autre épisode fondateur de ce pays, la fin de la Deuxième guerre mondiale, dans Berlin dévasté. Il s’agit sûrement d’un parcours mémoriel volontaire, comme pour ré-ancrer l’Allemagne dans son passé perdu (1) et lui redonner une identité plus complexe que ce qu’elle laisse voir aujourd’hui. J’en parlais récemment à propos de « Crosswind » (voir article sur ce blog), les films, comme les autres oeuvre, sont toujours inscrits dans leur époque, et il faut, pour les comprendre, les remettre en contexte. Dans cette période où nous avons l’impression d’assister au vacillement des identités nationales sous les coups de boutoir de la mondialisation, où les extrémistes musulmans s’en prennent violemment au judaïsme, ce film n’est pas né par hasard… (Mais c’est moi qui parle – comme dans tout l’article d’ailleurs 😉 ).
Nelly, jeune femme juive survivante des camps de concentration, revient à Berlin à la fin de la guerre, défigurée. Prise en charge par son amie Lene, elle est soignée et son visage « reconstruit ». Elle cherche alors à retrouver son mari, Johnny, dont nous ne savons pas s’il l’a trahie ou non, au milieu de ce champ de ruines qu’est Berlin, où flotte le souvenir de ses parents et amis morts.
C’est un film fort, très fort, sur l’amour, la résilience, la possibilité de survivre ou non, dans sa vie et dans ses sentiments à un cataclysme qui a tout détruit. Faut-il partir (en Palestine) ou tout laisser aller quitte à mourir ? Peut-on encore faire confiance à soi et aux autres ? A l’instar de ce cabaret, le « Phoenix », qui jouxte des maisons détruites, le cinéaste nous montre des êtres humains oscillant entre leur passé si lourd à porter et un élan vers l’avenir, quitte à jouer un rôle pour cela.
Car c’est également un film sur les faux-semblants, le point d’orgue étant sans doute l’idée de travestir une rescapée censée revenir des camps en vamp vêtue d’une robe rouge et de chaussures « de Paris et nous pensons à « Vertigo » d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste, d’ailleurs, ne nous donnera pas le mot de la fin…
Nous apprécions également, comme dans « Barbara », la finesse dans la description des sentiments et des mouvements d’âme des personnages ; aucun manichéisme ici, nous n’avons pas droit à la bien-pensance qui pourrait accompagner un film touchant à un sujet si grave. Porté par des comédiens épatants, vibrants et sensibles, Nina Hoss, Ronald Zehrfeld et Nina Kunzendorf, ce film nous donne à voir des personnes en reconstruction qui doivent choisir leur vie au sortir de la guerre.
Et c’est magnifique.
FB
(1) Le fait que les protagonistes principaux soient joués dans les deux films par les mêmes acteurs renforce cette intuition.