A Dominique
« Bon Dieu. La voilà terminée cette pauvre petite messe. Est-ce bien de la musique sacrée que je viens de faire ou de la sacrée musique ? J’étais né pour l’opera buffa, tu le sais bien ! Peu de science, un peu de cœur, tout est là. Sois donc béni et accorde moi le Paradis. ».
Voilà ce qu’écrit en dédicace de cette messe le compositeur, qui reprend « du service » à soixante et onze ans, après trente quatre ans d’arrêt dans son travail de composition. Il écrit cette oeuvre à l’intention du Comte Pillet-Will, qui la fait donner en 1864 dans la chapelle privée de son hôtel particulier à Paris.
Oeuvre intimiste, conçue à l’origine pour deux pianos, un harmonium (ou un accordéon !), quatre solistes et un choeur resserré (1), c’est un petit bijou d’harmonie et de ferveur réunies. C’est également une musique de transition entre la musique ancienne d’une part (nous pensons au Stabat mater de Pergolèse), célébrée ici par la forme classique de l’oeuvre, les voix a cappella et les alternances entre choeur et solistes, et de l’autre une tendance très moderne au dépouillement dans l’oeuvre religieuse que nous retrouverons par exemple à mon avis chez Gabriel Fauré par exemple.
La grande originalité de ce morceau réside dans l’introduction du piano pour souligner le propos ou créer des ornements qui mettent en valeur les voix et le tempo. Instrument moderne confronté de manière décalée à des manières de chanter très normées par la tradition, n’hésitant pas à créer des introductions (Gratias) ou des interludes (Prélude religieux) dignes d’une sonate, il fait irruption dans ces partitions vocales pour mieux leur renforcer leur énergie souvent joyeuse et leur grande vivacité.
C’est un régal de beauté légère, à l’instar des opéras du compositeur, tout en élégance et simplicité apparente non dénuée de virtuosité.
Je vous invite à écouter d’urgence cette oeuvre hybride et superbe, qui vous enchantera, j’espère.
FB
(1) Préférer absolument les interprétations qui respectent la formation d’origine aux grandes formations classiques qui se sont ensuite emparées de cette musique dans sa deuxième version de 1867.
Direction Claudio Scimone – Chant : Katia Ricciarelli, Margarita Zimmermann, José Carreras et Samuel Ramey