Musiques – Carl Philipp Emanuel BACH (1714-1788) : Magnificat (1749)

"Ma" version Dir. Hans-Christoph Rademann (Harmonia Mundi)

« Ma » version Dir. Hans-Christoph Rademann (Harmonia Mundi)

Voilà une très belle oeuvre, que j’ai découverte récemment avec un grand plaisir. Etant une grande amatrice de musique baroque, je fraye depuis longtemps avec des compositeurs comme Vivaldi, Bach (père), Haendel et j’aime beaucoup faire de temps à autre des incursions parmi des oeuvre moins connues, comme celle d’aujourd’hui.

Et pourtant il s’agit d’un chef d’oeuvre qui s’impose de lui-même : il vous est sans doute arrivé, comme à moi, d’écouter un morceau de musique et de vous dire que vous êtes devant une évidence, quelque chose qui résonne en vous comme s’il y était déjà présent avant l’écoute. C’est exactement l’impression que j’ai eu dès la première fois que j’ai entendu ce petit ouvrage (moins de quarante minutes) empli de beauté.

Son histoire aide sûrement à comprendre pourquoi il nous touche si profondément. Carl Philipp Emanuel Bach est le deuxième fils de l’immense Johann Sebastian, qui embrasse la même carrière que celle de ce dernier, comme musicien. Marchant dans les traces de son célèbre géniteur, il compose à trente-cinq ans ce « Magnificat », pour essayer de succéder à son père comme Cantor (1) de Leipzig, et je pense qu’il y a mis toute son âme.

Le Magnificat est un texte issu de la religion catholique, mis en musique par maints compositeurs. Il a pour motif un cantique lié à la Visitation, lorsque la Vierge Marie enceinte rend visite à sa cousine Elisabeth elle-même enceinte (son fils sera Jean le Baptiste), rapporté par l’Evangile selon Saint-Luc, dont les paroles sont les suivantes :

Magnificat anima mea Dominum,
et exsultavit spiritus meus in Deo salvatore meo.
Mon âme exalte le Seigneur,
et mon esprit a exulté en Dieu, mon Sauveur.

Quia respexit humilitatem ancillae suae.
Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes.
Car il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante,
Et voici que désormais on me dira bienheureuse de génération en génération.
 
Quia fecit mihi magna qui potens est.
Et sanctum nomen eius.
Car il fit pour moi de grandes choses, celui qui est puissant,
Et saint est son nom.
 
Et misericordia eius in progenies et progenies timentibus eum.
Fecit potentiam in brachio suo.
Et son pardon s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Il a placé la puissance dans son bras.
 
Dispersit superbos mente cordis sui.
Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.
Il a dispersé ceux dont le cœur était orgueilleux.
Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.
 
Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes.
Suscepit Israël puerum suum, recordatus misericordiae.
Il a comblé de biens les affamés, et renvoyé les riches les mains vides.
Il a secouru Israël, son enfant, il s’est souvenu du pardon qu’il avait promis.
 
Sicut locutus est ad patres nostros, Abraham et semini eius in saecula. Ainsi avait-il parlé à nos pères, à Abraham et à sa descendance, pour les siècles.

Pour bien comprendre cette musique, il faut la replacer dans ce contexte de la France catholique d’avant la Révolution de 1789, où l’homme élève son âme pour rendre grâce à un être supérieur auquel il croit, mettant dans sa composition toute la ferveur possible (un peu comme les bâtisseurs de cathédrales). Et c’est effectivement cette élévation spirituelle qui nous emporte dès le premier morceau (Magnificat), chanté par un choeur lancé à vive allure qui dit la joie liée à cette double naissance à venir. S’ensuit une alternance de morceaux chantés par une ou plusieurs voix (basse, ténor, soprano, mezzo-soprano), intimistes, et de morceaux pour choeur (Et misericordia et Gloria Patri, qui reprend le thème initial pour clore l’oeuvre). Nous repérons çà et là de fortes similitudes avec l’oeuvre de son père, même si la musique nous paraît ancrée dans cette deuxième partie du XVIIIe siècle, s’apparentant parfois à celle de Haendel, par exemple.

Il s’agit d’une forme assez classique que nous retrouvons depuis le XVIIe siècle, faisant se répondre un orchestre, un choeur et quatre chanteurs de tessiture différentes (deux femmes et deux hommes) en de petites pièces de cinq minutes ou moins, chacune ayant sa tonalité particulière.

Je ne m’aventurerai pas plus avant dans un discours scientifique sur cette musique, j’ai épuisé ici tout ce que je peux en dire. Retenez l’essentiel : à écouter a minima et à ranger dans sa discothèque !

FB

(1) Chef de choeur