Cinémas – Francis LAWRENCE : Hunger games, la révolte (partie 1)

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Après un épisode de transition (« Hunger games, l’embrasement » 2013), revoilà Katniss Everdeen, l’héroïne de l’excellent « Hunger games » (2012), plus révoltée que jamais contre la dictature que le Capitole, cité des puissants, exerce sur les différentes régions du monde de Panem, les « districts ».

Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, voici un résumé qui leur permettra de remettre cette critique en contexte. Chaque année, à Panem, le Capitole organise des jeux, les « Hunger games » auxquels chacun des treize districts doit envoyer un jeune homme et une jeune fille, afin de divertir riches et puissants (1). Dans l’opus un de la série, Katniss représente, avec Peeta Mellark, le district 12, dans cette lutte pour la survie ; seul un des participants peut en effet s’en sortir et le but devient donc de tuer tous les autres pour rester le dernier. Dans l’opus deux, un peu similaire au premier, Katniss et Peeta rempilent pour les jeux de l’expiation, qui voient s’affronter tous les vingt-cinq ans les vainqueurs des jeux précédents ; en filigrane, la révolte commence à gronder dans les districts. Dans le film dont il est question ici, Katniss va prendre le rôle de meneuse dans cette rébellion et tenter d’unir les districts contre le Capitole.

A première vue, rien d’enthousiasmant dans ce film, produit hollywoodien formaté pour les jeunes, issu du renouveau récent de la Fantasy (2), suite de suite attendant lui-même une suite, parlant d’une oppression désincarnée contre laquelle les héros combattent, et pourtant…

Ce qui m’a fait aller au cinéma en premier lieu, est l’actrice principale, Jennifer Lawrence, découverte dans Hunger games et Winter’s bones (voir article sur ce blog pour le dernier) qui impose à l’écran une présence incroyable, quasi miraculeuse. Nous pourrions dire, certes, qu’ici elle se caricature elle-même parfois, dans la souffrance/amertume ou la décision/force d’âme, mais n’empêche, elle irradie, nous ne voyons qu’elle. Confrontée à des acteurs pourtant diablement charismatiques, Julianne Moore, Woody Harrelson ou le regretté Philip Seymour Hoffman, qui, au passage, sont tous très bien, elle ne s’en laisse pas imposer. Je me réjouis que le cinéma américain fasse encore place à des actrices de cette envergure, qui oublient d’être juste belles pour être de vraies comédiennes.

En deuxième lieu, la série parle ouvertement de démocratie. Si d’autres films de même trempe sont plus flous sur le sujet du combat contre un oppresseur (« Labyrinthe » par exemple ou « Les gardiens de la galaxie »), ici les choses sont nommées. Un pouvoir dictatorial détenu par Snow (joué par Donald Sutherland) qui a mis en coupe réglée les districts, quitte à les affamer, pour vivre en paix et luxe dans son petit monde d’élus. Et face à ce pouvoir suprême, des populations qui essayent de faire fonctionner une démocratie (le district 13 est administré par une présidente qui ressemble fort, dans son mode de pouvoir, aux présidents que nous connaissons dans les pays démocratiques). Je renverrai à cet égard aux deux discours prononcés par la présidente en question et par Snow ; ils illustrent deux dimensions antagonistes du pouvoir.

Il faut également souligner une autre ligne de force de la série, la manipulation par les médias. Après le premier opus, qui montrait la télé-réalité poussée jusqu’au bout de l’exercice – voir des personnes mourir et parier sur leur mort ou leur survie -, nous sommes ici confrontés à une autre forme impitoyable des médias. Katniss va en effet tourner des « clips » de propagande pour rallier les autres districts ; pour cela, on la flanque de deux caméramans (Castor et Pollux, excusez du peu) et d’une réalisatrice qui vont l’instrumentaliser pour en tirer le maximum de crédibilité, à son insu de son plein gré, comme diraient les Guignols 😉 … Car le trouble naît ici, Katniss sait qu’elle est manipulée et elle laisse faire, elle accepte d’être mise en condition de révolte intérieure, face par exemple à un hôpital rempli de blessés suite à une attaque, donc de donner à voir des sentiments intimes forts, relayés dans le monde entier, pour une cause à laquelle elle croit. Elle devient, via ces vidéos, une arme pointée sur l’ennemi et déclenchée par un exercice médiatique qu’elle n’a pas orchestrée mais auquel elle se prête. Ces moments du film sont surprenants par leur cynisme profond et nous renvoient à notre vécu d‘Homo communicans : où sommes-nous lorsque nous regardons ces images, du côté de Katniss, qui se met en scène – certes pour la bonne cause, mais cela reste une construction manipulatoire – ou du côté de Katniss la pure ?

Et pour finir, en forme de pirouette, évoquons rapidement le dilemme amoureux présent dans le film qui ravira toutes les âmes romantiques (dont je suis…) et que je résume ci-après par ces images :

Gale...

Gale…

... Ou Peeta ?

… Ou Peeta ?

FB

 (1) Un peu comme dans la mythologie, quand on sacrifiait une vierge pour apaiser un monstre, cf. la légende plus ancienne de Persée et Andromède ou Roger et Angélique dans « Roland furieux » de L’Arioste (1532).
(2) Voir article sur ce blog sur le film « Le labyrinthe ».