Cinémas – Christian Schowchow : De l’autre côté du mur (2013)

de lautrecotedumur

Encore un portrait d’une de ces femmes allemandes de l’Est, blondes, fortes et sensibles, tentées par un passage à l’Ouest, à l’instar de « Barbara » de Christian Petzold (2012). « De l’autre côté du mur » nous conte l’histoire de Nelly (Nelie en langue originale) qui franchit la frontière entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, se retrouvant dans un refuge pour des gens comme elle, face à une nouvelle vie à construire et à gagner (le « permis à points » qu’elle doit faire tamponner un certain nombre de fois pour pouvoir travailler et s’installer comme citoyen à part entière dans ce pays différent).

Les deux films ont en commun leur héroïne, que j’ai caractérisées rapidement ci-dessus. Belles et « nature » à la fois, elles donnent l’impression d’avoir déjà vécu plusieurs vies difficiles, qui les ont rendues méfiantes et économes en paroles ; si l’une d’entre elles parvient à se livrer un peu (Nelly), c’est sous l’effet de la boisson et face à une femme de confiance. Nous les voyons également ardentes toutes les deux, enflammant, malgré leur carapace, un certain nombre d’hommes dans leur entourage, conquis par leur beauté mais aussi par leur mystère. Nous les sentons fortes et déterminées, comme des survivantes, ayant réalisé le sacrifice de leur patrie, en forme de largage d’amarres.

Dans les deux films, le même contexte fait écho de l’un à l’autre. La Stasi (1) ou autres services d’espionnage qui rôdent et font parfois irruption (dans les deux opus, nous avons droit à une fouille corporelle) ; une reconstitution minutieuse de l’ambiance de l’époque (vêtements, voitures, décors et même tabagie), portée par des couleurs légèrement affadies, comme pour mieux restituer le temps qui nous sépare de ces événements ; un réalisme porté jusque dans les moindres détails (ah, la scène où deux protagonistes masculins soulignent chez Nelly la pilosité de ses aisselles comme une caractéristique des femmes d’Allemagne de l’Est…).

Les deux films sont inscrits dans la tradition du film allemand (2), très concret et parfois terre à terre, qui permet, lorsque le récit est bien mené comme ici dans les deux cas, de rendre tangible ce qu’il s’y passe dans une réalité qui nous atteint.

Enfin, chacune des oeuvres s’appuie sur une comédienne incandescente (Nina Hoss alias Barbara et Jördis Triebel alias Nelly) qui porte sur ses épaules la réussite du film. Nina Hoss, depuis ce film, se fait peu à peu une audience internationale, Jördis Triebel a obtenu l’équivalent d’un « César » allemand pour sa performance et tout cela n’est que justice.

Faisons maintenant un peu de différenciation entre les deux. Pour ma part, j’ai vu « Barbara » avant « De l’autre côté du mur », ce qui doit peser dans mon opinion, du fait de l’impression de déjà-vu générée par le deuxième. J’ai en effet préféré le premier au second. Mais je souhaite également objectiver cette manière de voir. Je pense que « Barbara » était habité par un lyrisme plus important, le mutisme de l’héroïne faisant beaucoup pour cela, ainsi que toutes les scènes de campagne et de mer qui l’accompagnent. Par ailleurs, l’intrigue me semble infiniment plus robuste, traçant droit au travers d’un dilemme amoureux, alors que « De l’autre côté du mur » hésite entre le portrait d’une femme et de son fils et une histoire dont nous ne sentons pas les pierres angulaires ; c’est une chronique qui n’est finalement tendue vers aucun but (même si vous pourriez penser que l’objectif est la sortie du centre ou le deuil du conjoint, ces deux points s’éparpillent au milieu de mille notations adjacentes sans lien affirmé avec le sujet).

Que l’on me comprenne bien : loin de moi l’idée de clouer au pilori le film dont je viens de parler, il est très bon ; mais, la comparaison s’imposant avec le film sorti juste avant, il en ressort comme superfétatoire, malgré la fulgurance de l’actrice principale.

A vous de voir.

FB

(1) Abréviation du Ministère de la Sécurité d’État (Ministerium für Staatssicherheit, MfS) de la République démocratique allemande (R.D.A.)
(2) J’ai vu beaucoup de téléfilms et je peux témoigner de cette constante.

 

Préférez-vous Barbara ? ...

Préférez-vous Barbara ? …

... Ou Nelly ?

… Ou Nelly ?