Voilà un film MAJUSCULE ! (moi aussi, je l’aurais fait mon jeu de mot, après les « fourmidable » et « minuscule, c’est énorme » qui ornementent son affiche). Nous sommes en effet devant un objet cinématographique époustouflant, plein d’originalité et pour autant d’une grande évidence. Je ne sais pas, d’ailleurs, si vous avez remarqué, mais le plus souvent, les épithètes que nous avons envie d’accoler à des oeuvres qui nous transportent, sont « évident » et « original ».
L’originalité réside d’abord dans le parti pris du film, tourné en décors naturels (le sud de la France), forêts, cours d’eau, ciels magnifiques et prairies rutilantes, sur lesquels viennent s’incruster les protagonistes, soit d’adorables insectes numériques, fourmis et coccinelles en premier lieu. Les humains présents dans la scène d’ouverture sous la forme d’un couple qui pique-nique dans la nature, disparaissent rapidement, laissant la place et les restes abondants de leur repas (zeugma !) aux insectes. Commence alors le périple d’une poignée de fourmis, rejointes dans leur aventure par une petite coccinelle handicapée, qui vont emporter une boîte en fer garnie de sucre jusqu’à la fourmilière. Chassées par des fourmis rouges, elles parviennent à destination, mais leurs poursuivantes vont lancer le siège de la fourmilière. Je n’en raconterai pas plus.
Vous allez me dire que c’est du déjà vu. « 1001 pattes », « Fourmiz » jouaient sur le même thème. Rien à voir. Nous sommes ici devant un film qui innove et renvoierait presque les autres à un classicisme désuet. Mille inventions le ponctuent. Le vrombissement des insectes est remplacé par des sons d’automobiles. Les insectes ne parlent pas en « humain », ils émettent des sons différenciés selon leur race ; nous ne savons pas s’ils comprennent le langage de l’autre. Aucune mièvrerie dans leurs relations, qui nous paraissent réalistes (honnêtement, ne me demandez pas si elles reproduisent la vérité, je n’ai aucune idée de la manière dont des fourmis ou une araignée se comporteraient devant une coccinelle en difficulté…) ; elles ne basculent pas dans le pathos. Et surtout, les décors naturels cités plus haut, excellente idée, abstraient les héros/insectes d’un univers uniquement rapporté à eux-mêmes et créé pour eux. Ils font partie du monde réel et doivent composer avec son immensité. De là est sûrement issu le titre mais également une amplification du caractère dramatique ou poignant de certaines scènes.
Sans que des citations directes d’autres oeuvres soient explicites, j’ai pensé à plusieurs films « d’humains » en voyant celui-ci. « La rivière sans retour », pour l’odyssée fluviale des fourmis, « Les dents de la mer » et « La guerre des étoiles », pour les scènes de sauvetage sous l’eau et surtout comment ne pas évoquer le tome II du « Seigneur des anneaux » pour la bataille finale, où nous nous retrouvons au Gouffre de Helm, lorsque les armées des Terres du Milieu affrontent les orques de Saroumâne. C’est dire le caractère épique que les auteurs donnent à l’histoire, par moments. J’ai d’ailleurs également discerné quelque chose de « L’odyssée » d’Homère, dans le périple du début.
N’oublions pas un humour très fin, au diapason avec le film et pourtant bien perceptible (les enfants ont ri tout du long, surtout pendant la première heure, je dois dire).
Enfin, les personnages sont formidables (assumé !). Cette petite coccinelle futée et courageuse, qui va devenir l’amie d’une fourmi est charmante ; je n’irais pas jusqu’à dire que nous voyons là un exemple de diversité, non, juste un éloge de la différence et le fait que l’on peut se comprendre et s’aimer au-delà du langage, juste autour de valeurs et d’actes communs.
Un film abouti, joyau de début d’année, à qui l’on espère un rayonnement à sa mesure (et s’il intéressait les Américains, ils n’auraient même pas à le traduire !)
FB