Attention, ceci n’est pas un article pour âmes sensibles (surtout pour les images à la fin).
Je reviens d’une exposition fort intéressante sur « Les peintres témoins de leur temps » à la Pinacothèque de Paris où l’on pouvait notamment voir des oeuvres de Francisco de Goya (1746-1828), peintre difficile à apercevoir hors d’Espagne.
Sans parler des autres oeuvres présentes, magnifiques, je voudrais me focaliser sur la série des gravures à l’eau forte dite « Les désastres de la guerre », qui en plus de 80 planches, montre les atrocités de la guerre Napoléonienne en 1808, année où Napoléon Bonaparte impose son frère Joseph sur le trône, dans une guerre sanglante. Cet épisode a été rendu célèbre par les tableaux du même peintre, « Dos de mayo » et « Tres de mayo ».
Cela m’a fait penser à ce qu’Otto Dix (1891-1969) nous avait donné à voir sur la Première Guerre Mondiale. Lui aussi, présent sur le Front de 1914 à 1918, témoin de cette boucherie quotidienne, a voulu la raconter au monde. Contournant ingénieusement la censure, qui ne s’intéressait qu’au texte des correspondances, il a tout au long de la guerre dessiné des cartes postales montrant le carnage auquel il assistait, tout en écrivant des textes lénifiants au recto. Et puis, en 1924 « pour se débarrasser de tout cela » dit lui-même l’artiste, il édite « La guerre », série d’une cinquantaine de gravures, presque insupportables à regarder.
A un siècle de distance, nous voyons deux témoins directs de la sauvagerie des hommes nous dire combien elle est destructrice et violente. L’incipit de l’exposition à la Pinacothèque assimilait ces images avec celles prises par des smartphones. Je ne suis pas d’accord. D’un côté l’immédiateté d’une image prise sur le vif, non pensée et hasardeuse (quand un quidam mitraille un fait divers avec son téléphone ou son appareil photo), de l’autre, un travail difficile et plus long de mise en scène des instants aperçus. Cela suppose du temps d’appropriation, de réflexion et de restitution. C’est ce qui nous manque le plus actuellement (une de mes antiennes…), la dimension temporelle pour se saisir des choses et les analyser avant de les livrer à quiconque.
Cela explique sûrement pourquoi les images qui suivent sont tellement percutantes.
FB
Tout d’abord Goya et puis Otto Dix, saurez-vous faire le partage ?
Le rapprochement fait sens évidemment, sur des contextes distants d’un siècle.
Pour l’anecdote et pour illustrer ce dialogue temporel, petit récit d’une ironie de l’Histoire :
sur le Chemin des Dames, près de la ferme d’Hurtebise, on a érigé en mars 1914 le monument dit des « Marie-Louise » (du nom de l’impératrice) à la mémoire des jeunes soldats napoléoniens tombés à la bataille de Craonnelle lors de la Campagne de France. On y voyait un jeune fantassin de 1814 croiser la baïonnette avec un soldat de 1914 en képi, pantalon garance et capote bleue. Quelques mois plus tard, la guerre de position vient installer ses tranchées en lieu et place de ce monument. Il sera érigé à nouveau en 1927, un poilu bleu horizon, casque Adrian sur la tête, ayant remplacé son prédécesseur à la tenue périmée.