Encore un film d’actrice(s). Fait de petits riens, de scénettes qui se succèdent dans ce que l’on peut appeler un « road movie » (le nombre de trajets en voiture nous autorise cette définition), il dépeint à petites touches le portrait d’une femme.
Bettie, propriétaire d’un restaurant dans le Morbihan, qu’elle gère avec sa mère, part un jour au milieu du service de midi au prétexte d’aller chercher des cigarettes. Et c’est un périple vers elle-même qu’elle entreprend au hasard. Son voyage l’amène à faire des rencontres avec une galerie de personnages, dont un paysan, des femmes dans un bar, un jeune homme hâbleur, un vigile de magasin de meubles, d’anciennes Miss régionales et enfin sa fille, son petit fils et le grand-père de ce dernier.
Ce qui frappe au premier abord dans ce film, c’est l’absolue sincérité des situations. Aucune exagération, ces moments de vie et de rencontre sont d’une grande justesse. Simplement des personnes face à face qui se découvrent sans préjugé. Et nous autres, spectateurs, laissons tomber les nôtres pour profiter de ces instants de pulsation vitale. Le film n’affiche aucun militantisme sur la réconciliation des pseudo-catégories dans lesquelles nous essayons de ranger les gens aujourd’hui (seniors, femmes, génération Y, riches et pauvres,…). Il transcende cela en nous montrant des humains qui se croisent dans leur parcours. Ainsi, ce qui aurait pu être un exercice artificiel devient un objet d’une grande vérité (j’ai un peu pensé à « Short cuts » de Robert Altman, autre cinéaste qui sait raconter des petits moments de vie).
Bettie, c’est Catherine Deneuve. Vieillie (je me permet de le souligner car le film renvoie plusieurs fois à des images de l’actrice jeune, comme un contrepoint), sans apparat particulier et assumant le poids du temps qui passe, elle est à la fois cette femme âgée et cette jeunesse qui l’habite encore. Elle irradie le film de sa féminité parfois un peu masculine. Décidée à changer de vie, elle laisse les autres, tous les autres, s’approcher d’elle comme quelqu’un qui n’a plus rien à perdre. Et elle gagne tout.
C’est un film sur la chance que représente le fait d’être en vie, vraiment vivant, à n’importe quel âge. Sur l’importance de l’ouverture aux autres, sans idée préconçue. Le vrai fil de l’histoire se trouve ici, dans cette leçon qu’il nous donne sur tous les possibles qui sont en nous pour peu que nous voulions bien nous en emparer. Tout le monde a quelque chose d’intéressant si nous avons le courage (l’humilité ?) de nous approcher. A notre époque où l’autre commence à représenter si peu, cette histoire de rédemption au travers de personnages croisés au long du chemin est un vrai bonheur.
La mise en scène, d’une grande fluidité et neutralité, accompagne l’ensemble, laissant la part belle aux acteurs.
Et les acteurs, parlons-en ! Aux côtés de Catherine Deneuve, dont la présence est impressionnante (décidément, c’est une vraie grande actrice), les autres protagonistes, Camille (la chanteuse, étonnante), Gérard Garouste et également, non des moindres, Claude Gensac, dans le rôle de la mère, sont impeccables. Je citerai aussi Mylène Demongeot, qui dans un petit rôle, est superbe. Et puis il y a tous les autres, des non professionnels, dont la performance montre la virtuosité d’Emmanuelle Bercot dans la direction d’acteurs.
En cette période un peu triste où nous nous enfonçons dans l’hiver, allez voir ce film revigorant, plein d’espoir et de lumière.
FB