Marc Minkowski, Hugo Reyne, Sébastien Marq et Pierre Hantaï
Mi-novembre (et oui, je sais ma chronique est en retard…), je suis allée voir un concert à la Cité de la Musique (Parc de La Villette), réunissant une affiche quelque peu étonnante et qui avait éveillé ma curiosité. Dans le cadre d’une semaine consacrée à Marc Minkowski, chef d’orchestre talentueux et touche-à-tout, j’ai assisté à une représentation tout à fait particulière.
Il faut rendre grâces à la Cité de la Musique pour ses initiatives passionnantes et décalées. Ici, il s’agissait de ce qu’ils appellent un « domaine privé », qui consiste à confier les manettes de la programmation à un talent de la musique. Quelle que soit la musique, puisque c’est la philosophie même de cet institution. En 2011, par exemple, c’est Patti Smith qui était à l’honneur.
Au cours du cycle qui lui était dédié, Marc Minkowski, éclectique s’il en est, avait interprété des oeuvres qui lui tenaient à coeur, Mozart, Schubert, Haendel, Bach, Offenbach, et pour la partie contemporaine, des compositeurs comme Szymanowski.
Ce dimanche 11 novembre était consacré à quelque chose de spécial, en forme de plaisanterie chaleureuse et talentueuse. En 1984, à la demande d’un restaurant du XVe arrondissement de Paris, Marc Minkowski et trois complices, Pierre Hantaï (actuel chef du « Concert français »), Sébastien Marq et Hugo Reyne (actuel chef de la « Simphonie du Marais »), avait fondé un ensemble éphémère autour d’un basson (MM), de deux flûtes (SM et HR) et d’un clavecin (PH). Séduits par l’aventure, cet ensemble renommé in petto « Lous Landès Consort », du nom du restaurant, s’était présenté la même année au concours « Musica Antiqua » de Bruges, dont il avait remporté le premier prix (jamais accordé jusqu’alors à un ensemble de musique de chambre).
Dans le petit amphithéâtre de la Cité de la Musique (quelques centaines de place), les quatre compères ont interprété des oeuvres de Marin Marais, Georg Philipp Telemann, JS Bach, dans une complicité affectueuse qui se faisait voir sans cesse. Au-delà de l’humour de Marc Minkowski, relayé par ses comparses, de la joliesse des oeuvres, parfois austères (une partie pour deux flûtes par exemple), nous avions l’impression d’assister à un moment hors du temps, aux retrouvailles d’amis de trente ans via le plaisir de jouer ensemble de la belle musique. Et tout cela sans componction ni affectation. J’en veux pour preuve ce moment où les deux flûtistes étaient seuls en scène, Marc Minkowski et Pierre Hantaï s’étant assis sur les gradins, au milieu des spectateurs, ne quittant pas des yeux la scène et applaudissant à notre instar à la fin du morceau.
C’est cela que j’aime beaucoup dans ce que fait la Cité de la Musique, faire tomber les barrières entre interprètes et public, laisser la musique à nu entre les uns et les autres. Sans jamais tomber dans le snobisme (promouvoir quelqu’un ou aller voir quelqu’un parce qu’il faut l’avoir vu), cette salle poursuit depuis de longues années (je la fréquente depuis longtemps) l’objectif de mettre la musique à la disposition de tous, de promouvoir tous les talents, jeunes et établis. Et cela fonctionne. William Christie, John Eliott Gardiner, Laurence Equilbey, Pierre-Laurent Aimard, etc. sont des familiers de ces salles, qu’ils visitent régulièrement pour notre plus grand bonheur. Et nous découvrons également des artistes moins connus, toujours d’une grande qualité. N’oublions pas non plus des personnes ou groupes comme Moriarty, Patti Smith et autres groupes de musique du monde. Le public est à l’avenant, curieux et en quête de découverte, sans l’affèterie que nous pouvons constater dans d’autres salles.
J’ajouterai que les prix sont au diapason. Lorsqu’une « star » se produit et qu’elle enchaîne sur une salle parisienne plus côtée (?), les prix peuvent aller du simple au double.
Je souhaite donc longue vie à cette institution si altruiste, qui essaye de ne pas cantonner la musique à un cénacle de personnes averties, mais essaye de la faire partager.
Et merci encore pour ce si beau concert
FB