Croisière Costa : le paradis (matériel) sur mer

Je viens d’avoir l’occasion de faire une croisière à bord du « Costa Favoloso », paquebot de la flotte « Costa », qui au travers de près de vingt bateaux, sillonne les mers pour le plus grand divertissement des passagers. Nous sommes ici dans le « Divertissement » au sens pascalien du terme, il s’agit d’être ailleurs, détournés de notre vie habituelle, pour entrer dans un monde différent et plus beau. Et le concept repose sur trois idées principales, que j’emprunte sans scrupule à Baudelaire, luxe, calme et volupté.
En préalable, pour planter le décor, je préciserai que le « Costa Favolosa » compte plus de 1500 cabines, soit entre 2000 et 3000 personnes, auxquelles il faut rajouter plus de 1000 membres d’équipage. Une mini-ville qui va passer la majorité de sa vie à bord et dont il faut organiser le quotidien.

Luxe
Le bateau est somptueux. Lorsque l’on sait que la Société Costa, italienne, a été reprise par des Américains, nous comprenons mieux cette esthétique spéciale, qui s’apparente à celle de Las Vegas notamment. Un idéal de richesse mâtinant les valeurs du Vieux Continent (le bateau comprend un « salon Molière » et un « salon Pompadour », la référence à Versailles est claire et assumée) et une sorte de « néo-clinquant » fait de palissandre, de moquettes moelleuses et de milliers d’ampoules (une ampoule c’est normal, mille ampoules, c’est Costa ;-)).

Attention, pour les personnes sensibles, se munir de lunettes de soleil avant de regarder les images suivantes. L’auteur a pris la précaution de les mettre en miniatures, mais on ne sait jamais…

Le bar Pompadour

L’atrium des diamants

Le casino

Une cabine

Le bar Molière


La discothèque

Le club pour enfants

Couleurs et textures

C’est un univers cohérent dans sa démesure esthétique, dans lequel l’on finit par se sentir bien, pareil à un simple mortel ayant accédé à un lieu interdit jusque-là, comme l’Olympe (bien que la tempête vénitienne du premier jour ne nous ait pas permis de voir Olympie, je me permet cette métaphore grecque).

Ajoutons à cela que le service est impressionnant, un ratio d’une personne pour trois passagers embarqués. Chaque cabine dispose du nom d’une personne qui est là pour faciliter le voyage, qui, si elle se trouve dans le couloir au moment où vous voulez regagner votre cabine, vous ouvre la porte, qui vous souhaite le bonjour quotidiennement et range vos affaires avec un soin extrême. Le soir, même scénario au restaurant. Dès le deuxième dîner, vous êtes repérés : là s’assoit un enfant, donc pas de verre à vin, là, la jeune demoiselle aura son coca zéro sur table avant son arrivée, etc. Nous sommes dans le luxe normalement réservé aux grands du monde dans notre inconscient collectif et nous nous prenons à penser : « parce que je le vaux bien » (allusion à une célèbre publicité). L’accès gratuit à (presque) toutes les ressources du navire accentue cette impression de démocratisation.

Calme
Des excursions sont prévues dans des endroits de rêve (Olympie, Ephèse, Istanbul, Dubrovnik, Bari, Venise). Mais là n’est pas le propos. Ce navire est tourné vers lui-même,  se suffit à lui-même et propose des animations quotidiennes dont le rythme est à peine moins soutenu les jours d’excursion et d’escale. Chaque jour vous est remis un journal de bord du lendemain détaillant les différentes animations de la journée. Danse, bingo, spectacles, sport (modéré tout de même)…

Les sorties à terre, même pour aller voir des sites uniques, deviennent anecdotiques, voire incongrues. Comment passer de Las Vegas à Istanbul en quelques minutes ? Un choc d’esthétiques tellement différentes… Ces escales sont des prétextes, qui n’amènent à terre qu’une partie des passagers. Pour étayer mon propos, quelques anecdotes :
– des passagers ayant déjà fait la même croisière en juillet (?) et ne descendant pas du bateau à Izmir, ville depuis laquelle on se rend à Ephèse, au prétexte qu’ils ont déjà vu le site en juillet
– un passager fortement perturbé du fait que l’escale à Ephèse a modifié les horaires de restauration et que « à cause de cette sortie, il n’aura pas son thé de l’après-midi »
– des passagers, lors de l’escale d’une journée à Istanbul, affirmant « qu’une journée c’est beaucoup trop et qu’une demi-journée aurait suffi »
– des passagers prenant le petit déjeuner dos aux fenêtres lors du passage devant la Place Saint-Marc à Venise.

Volupté
Mais que font les passagers toute la journée, me direz-vous ? Outre les animations proposées, qui rassemblent un monde raisonnable (une cinquantaine de personnes sur plus de 2000 pour les cours publics de danse, par exemple), les piscines et jacuzzi, qui en drainent une autre partie, il y a un rituel autour de l’alimentation qui rythme la journée. De 7h00 du matin à 22h00, il est toujours possible de manger quelque chose, et, côté boisson, les bars ferment vers 2h00 du matin. Les rites autour de la nourriture s’enchaînent, petit déjeuner, déjeuner, café, thé, apéritif, dîner, cocktail et pour ceux qui auraient un creux entre les différents repas, une sandwicherie et une pizzeria sont ouvertes du matin au soir. En me promenant par curiosité, fréquemment, entre les tables du « self » (luxueux), j’ai pu constater le côté irrésistible qu’exerçait cette abondance infinie sur les gens. Qui avec cinq parts de pizzas devant lui, qui avec une assiette d’une douzaine de viennoiseries, qui avec des pâtes, un plat en sauce, de la pizza et des frites dans le même contenant (peut-on encore appeler cela une assiette ?)… La gratuité à volonté induit des comportements que ne renierait pas un Africain mourant de faim à qui l’on proposerait un repas, et nous le comprendrions assurément de dévorer. Mais nous sommes ici face à des personnes (fort) bien portantes, voire plus. La nourriture comme comblement d’un vide ? Je ne m’aventurerai pas davantage dans cette voie mais je vous laisse y réfléchir.