Cinéma : Ashgar FARHADI : Les enfants de Belle Ville (2003/2012)

Les Enfants de Belle Ville

Ce réalisateur iranien nous avait donné à voir « A propos d’Elly » en 2009 et « La séparation », en 2010, films marquants s’il en est. Ici il s’agit d’un film plus ancien, tourné en 2004. Le style est identique et nous retrouvons avec plaisir la « patte » de cet auteur.

L’Iran est là, dans toute son étrangeté pour nous autres, Français. Une sorte de folklore qui est intrinsèque aux films d’ailleurs, d’où qu’ils soient. Nous nous retrouvons un peu spectateurs ethnologues, devant ces sociétés si différentes et nous nous surprenons à épier ce qui les distancient de nous. Nous portons même des jugements moraux, sans même nous en rendre compte parfois. Comment le prix du sang d’une femme peut-il être la moitié de celui d’un homme aux yeux de la justice ? Et ces femmes, voilées des pieds à la tête ? Pourtant elles travaillent, elles mènent leur maison, en imposent à leurs hommes.

Ce dépaysement, qui nous permet des comparaisons sans fin, n’occulte pas la puissance de l’histoire, comme c’est parfois le cas, quand nous sommes juste satisfaits d’avoir été dépaysés. Dans ce film, comme dans les suivants, Ashgar Farhadi conduit l’intrigue d’une main de maître. Digne d’un labyrinthe, l’histoire se déploie au milieu de centaines de possibles ; au lieu de se resserrer, elle s’élargit progressivement, laissant le spectateur dans une incertitude grandissante. C’est un art de la narration puissant et implacable à la fois. Le « fatum » est là, mais nous ne le voyons pas. Mille questions se posent à nous de par les pistes ouvertes par le cinéaste lorsque nous voyons le film. A posteriori, la logique du récit nous apparaît dans toute sa rectitude. La fin, qui n’en est pas vraiment une (elle élucide peu de choses par rapport à la tension instillée pendant le film), ouvre encore d’autres possibilités.

Les sentiments, les mobiles humains sont là, dans toute leur brutalité. C’est un récit qui entremêle vengeance, haine et amour. Un jeune homme emprisonné pour le meurtre d’une jeune fille, ayant atteint l’âge de 18 ans, doit être exécuté. A moins que le père de la jeune fille ne retire sa plainte et ne pardonne. Le meilleur ami et la soeur du condamné vont oeuvrer pour essayer de faire fléchir le père avant que le jeune homme ne soit exécuté. S’ajoute à cela la deuxième femme du père qui a une fille handicapée. Ce quintet est au centre de l’histoire et permet au cinéaste des combinaisons exponentielles de relations entre les protagonistes.

En cela, cette histoire me fait penser à des tragédies de Shakespeare, plus précisément à « Mesure pour mesure », proche de mon point de vue par la trame. C’est dire si ce film revêt un caractère universel.

Encore une fois, les acteurs sont merveilleux de justesse.

C’est un film à voir absolument.

FB