Ce dimanche, la pollution était encore bien présente (cela fait une semaine que nous dépassons de beaucoup les seuils autorisés, 160 en moyenne selon l’indice américain IQA, qui recense les niveaux des 5 polluants les plus nocifs.
J’ai donc pris un taxi pour aller voir ce musée à une heure de route au sud de là où j’habite. Arrivée sur les lieux, rien aux alentours ne laissait soupçonner un musée ou un espace d’exposition dans ce quartier à moitié détruit « 没看到 » me dit le chauffeur, ce à quoi je réponds « 我也没看到 » (sous-titres : il ne voyait pas l’endroit, et moi non plus). Et puis tout d’un coup cette immense porte cochère comme surgie de nulle part, donnant sur un endroit qui ressemble à ce que je voulais voir.
J’étais la seule étrangère, bien incongrue ici, le garde de l’entrée m’a aidé à réserver sur place (un concept chinois particulier, qui consiste en fait à s’enregistrer). Et j’ai été accompagnée gentiment pendant ma visite par une jeune femme qui parlait un peu anglais et n’arrêtais pas de s’en excuser ; nous avons baragouiné en sino-anglais tout au long de l’exposition, vraiment, encore une fois, je dois dire tout le bien que je pense des gens d’ici.
Comme dans ma récente excursion dans le Musée du cloisonné, il s’agit d’une exposition d’objets laqués censés montrer le savoir-faire d’une fabrique, suivie de salles où sont proposés des objets que vous pouvez acheter. [Je n’ai pas trouvé de meilleure traduction que « laque incrustée d’or » (en anglais « gold lacquer inlay ») pour le nom du musée.]
Ce musée a été créé en 2022, pour faire la promotion de ces objets produits par la Fabrique de laque incrustée d’or de Pékin créée en 1956 par la réunion de 16 ateliers de laque de la capitale.
La laque est un art qui a pris naissance il y a environ 8000 ans en Chine (donnée chinoise) 3000 à 4000 ans (donnée occidentale). C’était au départ une colle qui protégeait les objets en les imperméabilisant avec une résine issue ici du laquier, un arbre qui pousse en Chine.
Le caractère « qi » 漆 qui signifie « laque » en chinois, est composé de l’arbre mu 木 en haut et de deux traits en dessous qui figurent les entailles dans l’arbre pour faire écouler la sève ; plus bas le caractère shui 水, l’eau, montre la liquidité de cette substance. Merveille de cette langue…
Construire un objet en laque est encore une fois un procédé qui demande du temps, il faut appliquer entre 7 et 18 couches de cette résine et la faire sécher dans des conditions hygrométriques particulières, avant de pouvoir passer aux ornements. Cela peut demander des jours voire des mois.
Les objets, présentés sur fond rouge (la couleur suprême ici), sont très beaux, (parfois un peu chargés selon notre goût).
Ce plat, par exemple, a été laqué en rouge, avant d’être retravaillé avec de l’or et d’autres couleurs.
Plus sobre d’après nos critères, ce très beau présentoir (j’ai supposé qu’il s’agissait de thé ? Mais sans assurance).
Et cette amphore toute de noir et or, splendide, qui ne déparerait pas dans nos Versailles.
Cette immense armoire est un chef d’oeuvre, travaillée autant à l’extérieur qu’à l’intérieur, avec des finesses incroyables. Toute de bois laqué, elle se pare de médaillons or ou nacre qui ponctuent sa façade.
Aucune indication en anglais, quelques cartons en chinois et quelques approximations de mon attentionnée guide, tout cela ne m’a pas permis de tout comprendre. Parfois, il faut se laisser porter par la beauté des choses sans essayer de les expliquer, c’est une leçon que j’ai apprise ici…
Inutile de vous dire que ces oeuvres ne sont pas datées, même si certaines paraissent assez anciennes, l’idée est de montrer le savoir-faire, ce n’est pas un musée selon nos représentations.

Sous la dynastie des Qing (1636-1912) apparaît un raffinement supplémentaire de cet art, consistant à apposer sur l’âme de bois laquée des substances précieuses et très travaillées. Jade, nacre, pierres dures semi-précieuses, tout est ici prétexte à élégance, jusqu’à produire ces chefs d’oeuvre (qui ont sûrement nécessité des heures de travail).
Au fil de mon chemin, je croise cette incroyable reconstitution du Mur des neuf dragons, que j’ai déjà vu dans ses trois représentations, dans la Cité Interdite, au nord du Lac Beihai et à Datong. Le tout en laque ornée de pierres dures sculptées.
En passant, 顺便, je tombe nez à nez avec cet autre dragon, tout de pierre précieuse, improbable animal de bât d’un carrosse très orné.
J’en ai vu bien d’autres, des objets d’une telle délicatesse qu’ils semblent être d’un autre monde. Et même s’ils me semblent parfois « un peu too much », je ne peux que rendre hommage à la virtuosité des artistes (ne les appelons même plus des artisans).
Et ce paravent, immense, contour d’ébène travaillé jusqu’à l’épuisement de la surface, entourant trois panneaux de laque précieuse. Réalisé pour le 80e anniversaire de l’Empereur Qianlong, soit 1791, il est fait de 20 couches de laque et représente une légende connue en Chine.
Alors que j’allais quitter le site, après avoir déambulé dans un endroit d’exposition où acquérir des objets produits par cette fabrique (assez chers, mais cela me semble tout à fait normal vu le travail exigé), ma guide du jour m’a entraînée dans une autre salle, où étaient exposés des lits de mariage traditionnels (et anciens).
J’ai été saisie par la beauté de ce que j’ai vu, ces meubles tellement ornés mais avec beaucoup de raffinement m’ont beaucoup plu.
Et pour finir, en forme d’apothéose, j’ai vu ce lit, qui abrite une sorte d’antichambre (le mot me semble parfaitement approprié) bien vaste qui conduit au lit nuptial.
Encore une découverte bien intéressante.
FB
Salut,
j’aime beaucoup lire des explorations
On visite la Chine tout en restant dans notre canapé 🙂
Merci, je suis honorée !
Merci pour cette passionnante visite, que de raffinement et de savoir-faire ! Beau printemps 🙂