« Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui sont en mer » (Aristote, citation en incipit du film)
Port de Tartous, Syrie (vous savez le port où la Russie a une base navale qui lui permet d’être présente en Méditerranée et qui est l’une des raisons importantes de son soutien à Bachar El Assad). Une opération de récupération de soldats français par un sous-marin tourne mal en raison d’une erreur commise par l’oreille d’or (spécialiste de l’écoute acoustique). Le jeune homme, Chanteraide (François Civil) va faire des recherches pour essayer de comprendre ce qui s’est passé.
Cela fait longtemps que je n’avais pas vu un film d’action français aussi ambitieux et réussi. Tous les ingrédients sont ici réunis pour capter le spectateur et le tenir en haleine de bout en bout.
L’intrigue est nerveuse et maligne. Elle mêle des éléments géopolitiques réels à un récit de fiction, invitant Russes, Syriens, et autres entités menaçantes dans un scénario vraisemblable, auquel nous adhérons (et qui fait quand même froid dans le dos). Ponctuée dans un rythme très équilibré par quelques notations sur la vie quotidienne des sous-mariniers, elle s’ancre ainsi dans la réalité. C’est ici un point qu’il faut souligner, le réalisme de ce que nous voyons, nous sommes dans un film français, c’est certain et ses homologues hollywoodiens apparaissent comme empruntés et irréels.
Car le cinéaste rend véridique et très concrète la vie à bord d’un sous-marin, truffant les dialogues de jargon a priori peu compréhensible, sans que cela nuise à la fluidité du récit, au contraire, pourrions-nous dire. La « dilution » d’un sous-marin, les « points magiques », le « transitoire » sont autant de mots mystérieux qui contribuent à la crédibilité de ce que nous voyons. Les acteurs s’emparent de ces codes avec un naturel qui force le respect, tout ici paraît véridique et fascine, dans ce huis-clos sous-marin presque étouffant.
Le réalisme et la quotidienneté qui habite le film rend les scènes d’action d’autant plus spectaculaires ; là où dans un « blockbuster » américain, nous nous retrouvons blasés devant les exploits en tout genre, nous sommes ici pris dans l’intrigue puisque nous pouvons nous projeter dans les protagonistes, ils sont proches de nous. Nous ressentons leurs dilemmes, leurs peurs, leurs colères et leurs désarrois.
Au centre du récit, l’Honneur. Valeur portée ici par les sous-mariniers, elle articule leurs choix et leur engagement. Prendre des décisions difficiles, qui peuvent conduire à la vie ou à la mort d’hommes, rester à son poste coûte que coûte, arbitrer entre son intuition et les ordres donnés, c’est cela qui est en jeu ici. La discipline militaire est certes un pivot, mais nous ramène à cette notion d’Honneur, ne pas faillir est le but de ces hommes. Cela paraît bien archaïque dans notre Monde d’aujourd’hui.
Tout cela est porté par une mise en scène précise et très vivante, qui ne dédaigne pas l’humour au milieu du drame. Et par des comédiens tous à l’unisson, Reda Kateb, Omar Sy, Mathieu Kassovitz, François Civil déjà cité, et pour faire contrepoint à ce milieu masculin, la lumineuse Paula Beer, tous vraiment très bons.
Film à voir absolument !
FB
Bien d’accord pour saluer cette superbe réussite, dans un genre qui semblait improbable dans le paysage cinématographique français. Baudry, par sa formation, tient et maîtrise son sujet, met sa mise en scène au service d’une intrigue et d’un scénario solides. Voilà qui suffit à faire passer quelques outrances, comme dans tout bon film américain. Je suis bien d’accord avec vous pour dire que si l’histoire nous harponne, alors le reste peut suivre. Inattendu, insoupçonnable, le Chant du Loup est vraiment un film qui mérite de faire surface.