Cinémas – Jon M. CHU : Crazy rich Asians (2018)

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Dimanche. Il pleuvait et le ciel était bien bas. Envie de rose, de couleurs qui « claquent », de quelque chose de facile qui soit une alternative à se rouler en boule sous la couette, si possible plein de sentiments et de rêve. Et j’ai trouvé ! Une version renouvelée de « Pretty woman » transposée à Singapour, film d’un Américain d’origine asiatique.

Rachel Chu, Américaine d’origine chinoise et professeur d’économie, file le parfait amour avec son fiancé Nick Young à New-York. Il lui demande de l’accompagner au mariage de son meilleur ami à Singapour. Elle va découvrir qu’il est l’héritier d’une très grande famille du lieu, richissime et en même temps s’exposer à des rebuffades variées de la part de son entourage local, famille et amis, qui ne voient pas d’un bon oeil ce qu’ils considèrent comme une mésalliance.

C’est un film qui s’avale comme une guimauve, un peu indigeste parfois, certes… Les amateurs de comédies sentimentales telles qu’on les voyait dans les années 1990 aux Etats-Unis seront comblés (j’ai cité « Pretty woman » – Gary Marshall, 1990 avec Julia Roberts et Richard Gere), je pourrai ajouter « Un mariage trop parfait » – Adam Shankman, 2001 avec Jennifer Lopez et Matthew McConaughey, qui me semblent être en droite ligne avec ce que nous voyons là). Couples, mariage, luxe, intrigues, tout est au rendez-vous.

Il y a plus intéressant à noter ici, au-delà de la satisfaction immédiate, si je peux dire, de voir une comédie romantique assez réussie (sans plus, il faut bien le dire, tout cela est bien formaté, sans déraillement qui pourrait provoquer l’émotion, et pour cause, lisez ce qui suit…).

Car nous sommes à un tournant, important d’après moi, dans l’industrie cinématographique. Les Chinois ont depuis longtemps pris une place de plus en plus importante dans le cinéma planétaire, à hauteur de leur puissance économique. Des apparitions de plus en plus fréquentes (et organisées) dans les blockbusters américains sont là pour en faire la preuve. Le plus flagrant dans les dernières années est « La grande muraille » de Zhang Yimou (2016) avec Matt Damon en tête d’affiche. La concurrence a commencé depuis quelques années : en 2012, Wang Jianlin, l’homme le plus riche de Chine, après avoir investi massivement dans l’ouverture de salles de cinéma en Chine via son Groupe Wanda, a racheté AMC Theatres, le plus gros propriétaire de salles aux Etats-Unis (plus de 8000 salles), avant de créer un « Hollywood » bis en Chine, Qingdao oriental movie Metropolis pour la bagatelle de 8,2 milliards de dollars.

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Qingdao oriental movie Metropolis, en construction

Vu de moi, le film s’inscrit ici dans cette conquête chinoise ; c’est la première fois depuis longtemps qu’une comédie romantique américaine met en scène uniquement des acteurs asiatiques. Et ce qui est très intéressant, en adoptant tous les codes des films américains (la musique est parfaitement calquée sur celle des comédies romantiques américaines, oscillant entre Madonna et bande son de comédies musicales). Autre élément intéressant, les héros et héroïnes ont tous des prénoms occidentaux, Rachel, Nick, Fiona, Astrid (pouvons-nous déduire de ces patronymes l’importance pour les femmes de se rapprocher de la peau blanche des Européennes, jusqu’à situer leurs prénoms dans le Nord de l’Europe ? Quand nous voyons dans leurs boutiques et pharmacies l’importance donnée aux produits blanchissants, nous pouvons nous interroger légitimement). C’est ici un mouvement particulier auquel nous assistons, la volonté de reprendre les codes occidentaux, tout en les dominant. La suite sera passionnante à voir.

Toujours dans un ordre sociologique, nous voyons ici s’étaler une richesse presque indécente, celle que j’ai pu à peine entrapercevoir lors de mon incursion récente à Singapour. Là où Richard Gere louait en 1990 la suite d’un grand palace américain, ici il s’agit de privatiser une île et son palace pour un enterrement de jeune fille, d’acheter cash des boucles d’oreille à 1,2 millions de dollars ou de faire pousser une rizière dans une église pour un mariage en déboursant 40 millions de dollars. La Chine affiche son éclatante réussite économique, absolument insensée…

C’est donc extrêmement intéressant de voir ce film, en ayant à l’esprit ce que je viens de vous raconter.

FB