Voilà un film spécial, qui m’a laissée partagée…
Habituée à la science-fiction sous toutes ses formes (livresque et filmique), genre que j’apprécie et également amatrice de blockbusters d’anticipation, j’avoue que cet opus m’a laissée perplexe.
Soit l’arrivée en douze points du globe terrestre d’objets immenses (des vaisseaux) venus de la galaxie. Louise Banks, experte en langage et Ian Donnelly, scientifique, sont réquisitionnés par l’Armée américaine pour essayer de comprendre ce que les extra-terrestres veulent.
Réalisé par Denis Villeneuve, dont j’avais vu l’excellent « Incendies » (2011), ce film se démarque des productions hollywoodiennes classiques ; si nous sentons bien que le budget est (presque ?) le même, le point de vue est différent. Et c’est dans ce clivage entre blockbuster classique et ce que nous voyons ici que s’installe le doute que j’ai ressenti, ce qui m’amène à faire une critique en deux parties.
🙂
Tout ici est recherché, le récit, qui introduit des paradoxes temporels assez stimulants, les magnifiques images qui parviennent à mêler quotidienneté et spectaculaire, la représentations du langage/écriture des aliens, les aliens eux-mêmes. Et puis cette idée de placer le film sous une égide féminine : tout nous rappelle ici le genre, la tête d’affiche est une femme (Amy Adams, sensible à souhait), une histoire de maternité traverse l’histoire comme un filigrane, la forme même des vaisseaux, ovoïdes. L’opposition entre Humains et extra-terrestres évite le fil classique des nations divisées qui se réunissent contre un danger potentiel, antienne vue mille fois. Enfin, une réflexion sur le langage et la puissance qu’il représente ici, tombe à point nommé pour nous rappeler son importance et sa résonance avec les structures cognitives et culturelles, autrement dit, comment le langage forme notre manière de penser (1).
😦
Et pourtant, et pourtant… Nous sentons ce film sous-tendu par une ambition qu’il ne parvient pas à concrétiser. Celle de s’affranchir des motifs liés au thème, alors qu’il reste dans une forme connue, entreprise très difficile. Et malgré cela, plusieurs comparaisons nous viennent en tête, la saga « Alien » pour la femme affrontée aux aliens, « 2001, Odyssée de l’espace » (Stanley Kubrick, 1968) pour la réminiscence de la pierre dressée qui amène l’Humanité à un tournant de son Histoire… Ce qui montre l’impossibilité de se dégager des images connues. L’espoir (insensé) que fait naître le film, de dépasser le genre échoue forcément… Car il ne prend pas le bon véhicule, qui aurait été de refuser la trame du film de science-fiction classique, pour aller vers tout autre chose, avec sa belle idée autour du langage. Et nous nous retrouvons à faire le jeu des sept erreurs, entre les films de science-fiction « normaux » à gros budget et ce que nous voyons là, qualitativement meilleur, convenons-en, même s’il nous reste un goût d’insatisfaction…
Donc, allez le voir si vous ne vous torturez pas autant que moi (tous les gens qui l’ont vu autour de moi ont adoré, mais n’est-ce pas un effet du conditionnement hollywoodien sur le sujet ?).
FB
(1) Rappel on ne peut plus utile à notre époque où, bien que nous ayons des moyens démultipliés à disposition (éducation, bibliothèques, voire liseuses !), la lecture et l’écriture ne connaissent pas l’essor qui auraient dû être le leur ; pensons au XIXe siècle et aux difficultés des enfants du peuple pour apprendre lecture et écriture, barrière sociale s’il en est. Aujourd’hui, la barrière n’est plus sociale, de mon point de vue, elle est dans la recherche du moindre effort…
Je suis resté aussi dubitatif que toi dans ma critique ! 😉
Bonne année 2017. Pleine de films et de beaux moments. 🙂