Après avoir vu « Seul sur Mars » (1), que j’ai finalement décidé de ne pas chroniquer car il m’a laissé dans une grand neutralité, sans le désir d’en dire quelque chose, j’ai revu « Gravity », qui m’avait laissé peu d’impression lors de la première vision. Est-ce parce que j’ai enchaîné les deux que j’ai changé d’opinion ? Ou parce que je n’étais pas dans l’état d’esprit la première fois ? Je ne sais, me vient maintenant l’envie d’en parler ici.
Alfonso Cuarón, à qui nous devons le magnifique film « Les fils de l’homme » (2006) livre ici une oeuvre resserrée, tant dans sa durée (1h30 toute mouillée), que dans le nombre de protagonistes (si nous exceptons l’astronaute qui décède dans les premières minutes du film, ils ne sont que deux personnages) et dans l’intrigue, focalisée sur la survie des héros dans l’espace, suite à un orage de débris.
Pour continuer dans le parallèle entre les deux réalisateurs, la phrase qui symbolise « Alien, le huitième passager » de Ridley Scott, s’appliquerait parfaitement ici : « Dans l’espace, personne ne vous entendra crier ». Car l’angoisse de l’abandon dans l’espace est ici tellement palpable qu’elle vous prend aux tripes. Pour une fois, le metteur en scène parvient à nous faire ressentir ce grand vide qui entoure les magnifiques vaisseaux et autres satellites spatiaux dont nous avons l’habitude dans ce type de films. Ici la frontière dedans/dehors s’abolit à chaque minute, les constructions humaines destinées à protéger les humains contre cet univers si hostile paraissant tellement frêles et faillibles – cette impression, je le souligne, nous ne la ressentons pas dans « Seul sur Mars », qui est également un film sur un rescapé de l’espace. Pas non plus ici, au contraire de l’oeuvre de Ridley Scott, de valeureux chevaliers prêts à tout risquer pour un sauvetage dérisoire. Non, les héros sont seuls, affrontés à l’immensité, ne pouvant compter que sur eux-mêmes, et encore ; car Alfonso Cuarón nous les montre hésitants, perdus, affolés, installant ainsi une proximité avec nous-mêmes, qui ne ferions pas mieux dans le même cas. Et c’est une grande force de réussir à installer cette identification avec une situation qui nous est tellement étrangère.
Dans les deux rôles titres, deux baroudeurs des écrans américains, Sandra Bullock et George Clooney, impeccables, rien à dire.
Et surtout, pour souligner en contrepoint l’inflexibilité haletante de l’intrigue (nous sommes pris de la première à la dernière minute), se déploient des visions somptueuses de l’espace (chapeau bas au directeur de la photographie, Emmanuel Lubezki) qui font comme un écrin de beauté froide et indifférente au drame qui se joue là-haut.
Un film un peu à part dans la production actuelle, à voir.
FB
(1) Film du réalisateur Ridley Scott, sorti en 2015, dont j’ai adoré les premiers opus comme « Les duellistes » (1977), « Alien » (1979) ou encore « Blade runner » (1982).