Cinémas -Bruno PODALYDES : Comme un avion (2015)

comme un avion

Trois ans après « Adieu Berthe ou l’enterrement de Mémé », revoilà sur les écrans Bruno Podalydès, frère de l’acteur Denis (qu’il intègre souvent dans ses films), metteur en scène souvent très inspiré, parfois moins (« Bancs publics » en 2009 avait été pour moi d’un profond ennui ; j’avais adoré par contre « Versailles rive gauche » ou « Dieu seul me voit », par exemple).

Ce nouvel opus est déroutant pour moi, il m’a laissée vraiment partagée, car il comporte des choses que j’ai trouvées irrésistibles mais également un gros point noir qui tempère largement mon avis premier très positif.

Michel (joué par le cinéaste), qui vient de fêter ses cinquante ans et vit en couple avec Rachel (Sandrine Kiberlain), est un rêveur, épris d’aviation bien que n’ayant jamais pris de cours de pilotage, qui décide sur un coup de tête de partir à l’aventure en kayak pendant une semaine. Nous allons suivre ses pérégrinations relativement circulaires, puisque le hasard (bien aidé par une forte consommation d’absinthe 🙂 ) le ramène systématiquement à la ferme/auberge tenue par Laëtitia (Agnès Jaoui) et sa troupe d’excentriques (excellentes prestations de Michel Vuillermoz, de Jean-Noël Brouté, habitués des films de Bruno Podalydès et de la nouvelle venue Vimala Pons).

Le talent du metteur en scène est d’arriver à faire exister des personnages originaux et les interactions qu’ils ont entre eux, tout cela dans une veine comique avérée. Michel est un grand enfant, fasciné par les gadgets techniques, à la fois organisé à sa façon et sans aucun sens pratique dans le fond. C’est une sorte de fugue enfantine qu’il réalise ici (et son guide de voyage est d’ailleurs le « Manuel des castors juniors », ce qui est un vrai indice !) ; il m’a d’ailleurs fait penser au jeune garçon de « Moonlight paradise » (1). Il porte en lui beaucoup de séduction, dans sa gentillesse indolente, son adolescence qui n’en finit pas et nous comprenons ces femmes qui « craquent » pour lui. Il est également pour moi symptomatique de notre société, relativement infantilisante et où chacun a du mal à trouver sa place ; place qu’il commence à vraiment chercher (et trouver ?) dans ce voyage presque immobile qu’il entreprend (2).

Le film, comme déjà dit, est très drôle, tout fonctionne parfaitement et nous sentons les acteurs dans une grande complicité les uns par rapport aux autres (notamment les relations de Michel et Rachel sont irrésistibles). J’ai beaucoup ri.

L’histoire est également vraiment bien menée et prenante ; cet homme/enfant qui cherche à se bâtir une maturité au travers de son aventure minimale et des femmes qu’il rencontre a quelque chose de très touchant, empreint d’un humanisme plein de bonté.

Et pourtant, et pourtant… Nous reprochons souvent aux films d’être trop longs, mais ici c’est tout le contraire. Quand nous commencions à nous installer dans le récit, le cinéaste l’interrompt, finissant son histoire en queue de poisson, comme s’il ne savait pas la continuer. Quelle frustration ! Un peu comme si nous commencions un roman qui prendrait tout à coup la forme d’une nouvelle. Bref, cela m’a laissé sur ma faim mais surtout a tout d’un coup retiré à ce que je venais de voir toute sa puissance et son charme.

Vraiment dommage de gâcher ainsi une belle idée servie par cette belle distribution qui nous avait fait miroiter tant de choses à venir.

Je dirais quand même que ce film m’a fait découvrir la magnifique chanson « Vénus » d’Alain Bashung, dans lequel il se coule comme s’ils étaient fait l’un pour l’autre.

FB

(1) Film de Wes Anderson, voir critique sur ce blog.
(2) Je renvoie au jeu littéraire autour du « tourisme minimal » de l’émission « Des papous dans la tête » (France Culture), où un protagoniste décrit un voyage de proximité qui lui fait découvrir d’autres horizons (passer une semaine dans un container de verre, sur le triangle de Roquencourt,…).