Cinémas – Mark HERMAN : Les virtuoses (1997)

virtuoses

L’été nous donnant le temps de souffler par rapport aux sorties de films neufs, je me suis replongée dans quelques « madeleines », incitée ici, de plus, par mon récent séjour en Royaume-Uni. Et c’est avec un plaisir certain que j’ai revu « Les virtuoses », film réalisé par Mark Herman, cinéaste anglais originaire du Yorkshire, pays anciennement minier.

Et c’est de cela que nous parle le film. De la fermeture de la mine de Grimfield, en 1992, dans la lignée du gouvernement de Margaret Thatcher (1), qui s’était donné pour mission de rationaliser l’industrie anglaise quoi qu’il en coutât (2) ; nous assistons à la révolte des mineurs et à leur désenchantement professionnel. En parallèle, nous est donnée à voir l’épopée – n’ayons pas peur du mot – de la fanfare ancestrale de la mine, qui franchit peu à peu toutes les étapes jusqu’à se retrouver en train de jouer dans le prestigieux Royal Albert Hall. Une décadence d’un côté, contrebalancée par une ascension qui va rendre leur dignité à ces hommes méprisés par le capitalisme.

Ce film s’inscrit dans une tradition de films sociaux anglais qui se fait jour à cette époque (les films de Ken Loach ou de Mike Leigh, suivis d’oeuvres plus isolées, comme « Les géants » de Sam Miller en 1998 ou « Full Monty » de Peter Cattaneo la même année) et tente de donner une vision des ravages économiques qui traversent la Grande-Bretagne et des dégâts qu’ils produisent sur les gens.

Ici, nous sommes à mi-chemin entre le désopilant (bien que grave) « Full Monty » et les opus noirs de Ken Loach. Rien ne nous est épargné sur la précarité économique de ces familles, leurs dettes, leur manque de perspectives (si la mine ferme, c’est tout le bassin d’emploi qui meurt), le film nous parle d’une middle class anglaise qui s’achemine peu à peu vers la lower class et n’arrive plus à s’en sortir.

Et pourtant, nous sommes face à des femmes et des hommes qui font tout pour rester debout, quand tant de choses pourraient les mettre à terre. Ce sont de petits gestes d’entraide ou de bravoure (un billet glissé à quelqu’un qui ne peut pas payer ses courses, une sérénade sous la fenêtre d’un malade…) et surtout une grande aventure d’honneur qui va les emporter tous via la fanfare de la mine vers la dignité. Quelque chose qui les dépasse et leur fait toucher les étoiles…

Et c’est un parcours magnifique que nous suivons, mené par des comédiens hors-pair. Je citerai pour mémoire la paire Ewan Mac Greggor et Tara Fitzgerald, impeccables comme toujours, bien que voués à une histoire sentimentale plaquée et légèrement artificielle. Je voudrais surtout rendre hommage à ces comédiens anglais que nous voyons le plus souvent dans de seconds rôles, mais qui charpentent le film par leur véracité et leur talent ; ici, mention spéciale à Peter Postlethwaite, Philip Jackson et Jim Carter, par leur capacité à ancrer le film dans la réalité.

Film d’un équilibre impressionnant entre noirceur et lumière, gravité et légèreté, profondeur et surface, il reste pour moi un classique à voir.

FB

Peter Postlethwaite

Peter Postlethwaite

Philip Jackson

Philip Jackson

Jim Carter

Jim Carter

(1) Premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990 ; loin de moi ici l’ambition d’aller ici plus loin dans l’appréciation de sa politique que sur les aspects qui peuvent éclairer le film, voir note (2).
(2) Entre 1980 et 1986 le nombre de chômeurs augmente de 1,2 millions en Angleterre.