Littérature – Anthony TROLLOPE : Miss Mackenzie (1865)

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Voici un écrivain anglais, de l’époque Victorienne, que je ne connaissais pas. Et je pense être entrée par la grande porte dans son œuvre en lisant « Miss Mackenzie », dont je vais vous parler ci-après.

Depuis très longtemps, j’adore la littérature anglaise de l’époque, notamment les œuvres des sœurs Brontë, de William M. Thackeray, d’Ann Radcliffe et de tant d’autres. Anthony Trollope s’inscrit parfaitement dans cette lignée de littérature, élégante et sobre, opposant la description factuelle des actes des protagonistes à des moments bien plus lyriques dans l’évocation des lieux dans lesquels ils s’insèrent et à une grande richesse dans la description de leurs états d’âme. Dans ce type de roman anglais, les personnages semblent être emprisonnés dans des corps socialisés, éduqués, qui les empêchent d’exprimer leur bouillonnement intérieur. Et la finesse des oeuvres passe souvent dans la tension subtile que savent mettre les auteurs entre les deux. De ce décalage naît souvent un humour apparemment tout en retenue, l’air de ne pas y toucher et pourtant maintes fois féroce. J’avais déjà cité, à propos de Jane Austen (voir article sur ce blog), tous les codes existant dans cette société anglaise du XIXe siècle – et souvent bien antérieurs – qui enserrent les protagonistes dans un maillage presque invisible de bienséances, qui nous échappent pour la plupart, mais dont nous sentons que, si elles ne sont pas respectées, c’est la chute assurée. C’est toute cette mise en tension que je trouve passionnante.

Anthony Trollope (1815-1882) est un romancier très célèbre outre-Manche, admiré par William M. Thackeray et George Eliot, très prolifique et pourtant – mystère de l’édition française -, il est difficile de trouver ses ouvrages traduits dans les librairies, notamment une de ses oeuvre emblématiques, « Les chroniques du Barsetshire » dont seuls trois des opus ont été traduits sur six !

Ne boudons pas notre plaisir pour autant, car certains romans sont à notre disposition, comme cette « Miss Mackenzie », pleine de charme.

L’héroïne, femme encore jeune (elle a trente-cinq ans, ce qui n’est plus vraiment la jeunesse à l’époque) et célibataire, hérite à la mort de son frère d’une vraie fortune, dont elle ne sait a priori que faire, n’ayant vécu jusque-là qu’avec sa famille puis comme aide-soignante de son frère malade. Ce fait va rabattre sur elle, le mot est pesé, des prétendants plus ou moins douteux, d’autant plus que l’auteur nous la décrit comme une femme dans la moyenne, tant dans son intelligence que dans sa beauté (nous pensons à « Washington square » d’Henry James). Ingénue, lancée dans le monde par hasard, elle se retrouve démunie et commet, malgré elle, un certain nombre d’actes qui vont se retourner contre elle. C’est l’ensemble de ce piège amoureux et financier que l’écrivain nous décrit, d’une manière a priori très factuelle, mais pleine de sous-entendus humoristiques. Nous nous attachons à cette jeune/vieille fille, dans ses tentatives pour sortir des difficultés où l’ont enfermée sa richesse subite. Et chaque élan de sa gentillesse naturelle semble l’enfermer davantage dans la nasse.

La lecture de ce livre est délectable. Entre marivaudage et tragédie (pour le côté implacable des conséquences de ce que fait l’héroïne), nous sommes dans un entre-deux bien anglais, plein de ces mécaniques d’intrigue amenées subtilement (jusqu’au « Deus ex machina », en l’occurrence une Mrs Mackenzie, parente riche et reconnue, qui prend en main l’héroïne).

Pour ceux qui auraient adhéré à tout ce que je viens de dire, je recommande la lecture de ce livre

FB