Ce titre ! Qui recèle tant de possibles. Le danger est là, qui claque près de nous ; cet infinitif abrupt qui à la fois ouvre et clôt l’essai de lecture, sur lequel nous butons et qui nous laisse désarçonnés, cherchant sans succès ce qui aurait précédé, cette fermeture incisive sur « flingué » mot violent et un peu ordinaire, qui nous renvoie à la brutalité quotidienne d’une vie différente, ici celle façonnée par le western. Entre les deux, essentiel par nature, le verbe parfait, « être », s’insère, comme une vie dont il est la représentation, qui se coulerait dans une odyssée dure et abrupte. Cernée par l’impuissance et la mort. Trois mots suffisent à dire cela…
Encore un livre écrit par une femme sur un sujet dit « masculin ». Encore un livre sur le Grand Ouest américain. Décidément, mes lectures dessinent une carte du tendre qui les relient entre elles depuis quelques mois (voir articles précédents sur Joy Sorman, Nick Bass et Liam Mac Murtry).
Nous sommes ici dans l’Ouest américain, à la cartographie imprécise et pourtant fort réelle. Plusieurs personnages parcourent ces contrées archétypiques (grandes plaines, montagnes, ville en devenir…) sans but spécifique pour la majorité d’entre eux sinon vivre. Au gré d’entrelacs menés de main de maître par l’auteur, ils vont se rencontrer dans une ville du bout du monde et, nous autres lecteurs, refaisons peu à peu les liens qui les unissent. C’est un ouvrage un peu mathématique (littéraire et peu scientifique – à mon grand regret – je laisse d’autres deviner à quelle Fonction peut correspondre les volutes ordonnés de manière mystérieuse qui président aux différentes trajectoires).
Pas de moment de bravoure, juste des instants quotidiens décrits dans leurs détails, insérés dans une histoire qui avance. Avec une écriture juste et sans fioritures. Je ne résiste pas à vous livrer les phrases du début. « Le chariot n’en finissait pas d’avancer. La grand-mère à l’arrière criait de toutes ses forces contre la terre et les cahots, contre l’air qui remplissait encore ses poumons. Quand elle ne dormait pas profondément, insensible au monde, sourde, aveugle et enfin muette, elle criait furieusement dans le tunnel de toile qu’elle avait désigné comme son « premier cercueil » en s’y asseyant, au début de son voyage ».
Le livre nous montre des personnages qui nous ressemblent, sans l’héroïsme véhiculé par les films du genre, sans quête précise, sans rédemption à venir. Nous avons l’impression d’assister à une histoire banale de chassés-croisés qui pourrait prendre vie dans notre monde actuel et sur laquelle aurait été plaqué un univers tissé à partir des antiennes du western. Car l’auteur connaît bien son alphabet des conquérants de l’ouest sauvage, faisant surgir chariot brinquebalant dans les grandes plaines, ville en construction, hordes de chevaux, entraîneuse de bar et surtout cette jolie figure d’Indienne guérisseuse et un peu sorcière que nous croisons parfois dans notre lecture. Reprenant également le thème américain de la réussite, elle nous montre des ascensions sociales fulgurantes et jouissives (ah, ce Zebulon qui monte un spa avant l’heure…). C’est un ouvrage optimiste, malgré les vicissitudes subies par certains personnages.
Etant encore sous le charme profond de « Lonesome dove » (voir article sur le blog), je ne dirai pas, comme j’ai pu le lire, qu’il s’agit d’un des plus beaux livres sur le western. Pour lui rendre (ma) justice, je dirai que c’est un roman très intéressant et qu’il faut le lire.
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