Littérature – Larry Mac Murtry : Lonesome dove (1985)

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Un peu tard dans la saison, me direz-vous, je vous livre mes impressions sur un roman tels que nous aimons les emporter dans nos valises pour l’été – il compte plus de 1000 pages – pour voler à la vie quotidienne quelques moments de lecture, qui dans un transat au milieu d’une prairie ombragée, qui sous un parasol sur la plage, qui dans un fauteuil confortable en intérieur. Explorant plusieurs de ces postures, j’ai pu déguster -c’est le mot juste- ce livre, ancien, mais nouvellement republié par les éditions Gallmeister (et notons en passant que l’auteur a reçu le prix Pulitzer pour cette œuvre). Et je me suis régalée.

Nous sommes dans un western, dont l’époque, bien que jamais précisée dans le livre, se situe autour de la fin du XIXe siècle, au moment où les pionniers défrichent peu à peu cette terre sauvage qu’est l’Amérique du Nord. Dans ce contexte, deux anciens rangers, Woodrow Call et Augustus Mac Rae vont, au travers de leurs aventures, nous donner à voir ce pays en mutation profonde, où bisons et Indiens cèdent la place peu à peu aux vaches et pionniers européens.

Le titre du roman « Lonesome dove » est le nom du ranch que les deux amis ont fondé au Texas, et qu’ils décident un jour d’abandonner pour convoyer plusieurs milliers de têtes de bétail jusqu’au Montana, à l’autre bout du pays, où ils espèrent s’installer. C’est ce périple , ce road movie avant la lettre (peu de routes en effet !) que nous suivons au fil de notre lecture, avec sa cohorte d’accidents heureux ou malheureux.

Toute une galerie de seconds rôles entourent les deux protagonistes et prennent vie devant nous pour chevaucher à leurs côtés et nous accompagner de page en page, tissant entre le livre et nous autant de liens qui nous retiennent captifs. L’auteur a en effet un don pour faire exister en quelques phrases un personnage, sans pour autant le stéréotyper (ce qui n’est pas donné dans ce créneau particulier). Il s’amuse souvent à nous égarer en donnant du poids à un protagoniste, que nous jugeons important et qui va disparaître quelques pages après, tout en continuant à exister longtemps dans notre esprit.

Larry Mac Murtry, né en 1936 au Texas, a sûrement vu toute la tradition des westerns, dans laquelle il puise son inspiration, tout en créant une oeuvre originale, ne serait-ce que par sa monumentalité. Nous sommes proches, d’après moi, de l’œuvre d’Anthony Mann (avec peut-être quelques incursions du côté de Clint Eastwood). Pas de combat manichéen entre le bien et le mal ni de lutte entre gentils et méchants (comme chez John Ford par exemple), plutôt une vision qui se veut réaliste, sans concession et parfois dure sur ce qui a été nommé « la conquête de l’Ouest ». L’auteur réussit une sorte de panoramique à 360° qui engloberait situations et personnages qui peuplent les films hollywoodiens. Nous voyons défiler sous nos yeux prostituées de passage, cow-boys, Indiens, grizzli, shérifs plus ou moins courageux, vastes prairies inhabitées, villes improbables repaires d’aventuriers, pauvres tacherons défrichant une terre aride et inhospitalière… Tout est là, enchâssé dans un récit d’une remarquable finesse, qui recompose pour nous toutes ces images rémanentes.

C’est une véritable épopée dont il s’agit, une sorte d’Odyssée dans le nouveau monde, où nous traversons les frontières des différents Etats, collés aux basques des héros, en empathie totale avec eux (l’auteur ne les épargne pas, plus d’un n’arrivera pas à destination), pour ces personnalités si vivantes et si humaines auxquelles nous nous attachons au fil des pages. Sans compter une bonne dose d’humour dans les dialogues, qu’il faut souligner.

C’est donc une double réussite. Nous sommes replongés dans un livre qui synthétiserait la majorité des westerns existants, et nous suivons des personnages, attachants et imprévus, en tremblant pour ce qu’il peut leur arriver (quel sens du suspense !).

Je recommande vivement ce livre (qui peut aussi se lire hors vacances, de manière tout aussi confortable… ;-))

FB