Cinéma : Richard LaGravenese – Sublimes créatures (2013)

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Encore un film américain fantastique.

Vous aurez sûrement remarqué que la production hollywoodienne s’appauvrit d’année en année, pour ne presque plus laisser place qu’à des films fantastiques ou d’action, à gros budget, spectaculaires et souvent sans âme ? Le catalogue des BD Marvel a ouvert notamment un horizon sans limites aux réalisateurs en panne d’inspiration (et surtout aux recettes mirobolantes) avec sa cohorte de X-men, Capitaine America, Iron Man, et j’en passe… Autre filon, le fantastique, avec en tête de gondole Twilight qui n’en finit pas d’accaparer nos écrans et se fractionne depuis peu pour faire durer le « plaisir » (1). Films formatés, où les effets spéciaux remplacent l’imagination et qui me mettent en colère quand je pense à ce que l’on aurait pu réaliser avec l’argent englouti dans des courses poursuite sans objet, des destructions de bâtiments, voitures ou autres moyens de locomotion (ah, le cinéma américain aime cela, là où il suffisait de détruire deux à trois véhicules pour faire frémir le spectateur, il y a dix ans, il faut maintenant l’équivalent du parc automobile d’un gros concessionnaire pour le satisfaire, cf. le dernier « Die hard ». Pourvu que cela participe de la relance de l’économie américaine ;-)).

Et les bandes-annonce auxquelles j’ai été contrainte d’assister (j’essaye en général d’arriver juste pour le film, mais cette fois j’avais mal calculé) me font craindre le pire pour l’avenir : « Hansel et Gretel » chassant les sorcières dans une débauche de sang et d’effets horrifiques, « G.I. Joe » avec comme premier rôle Bruce Willis, film de castagne – je n’ose même plus dire d’action – et enfin « Oblivion », Tom Cruise en tête d’affiche, pour une épopée sur le thème « je suis le seul survivant sur terre, ah, mais peut-être pas… ». Nous sommes dans le spectacle, dans la lignée du « Panem et Circenses » des Romains (pain et jeux du Cirque), où il s’agissait de satisfaire les besoins fondamentaux de la foule et de la divertir, au sens pascalien du terme, c’est à dire de la détourner des questions essentielles posées par la vie, lui enlever tout sens critique, à coup de bruit, fracas et images spectaculaires.

Si je suis allée voir ce film, auquel je fais une mention spéciale dans le marécage des produits de grande consommation décrits ci-dessus, c’est grâce à des critiques que j’avais lues et qui m’ont fait passer outre ma prévention. Je suis en effet fatiguée de voir ces ersatz de films, qui ne laissent aucune impression durable.

J’ai été agréablement surprise ! Pendant plus de deux heures nous sommes emportés dans cette histoire à la fois ordinaire et hors du monde normal. Soit un jeune homme « coincé » dans une petite ville des Etats-Unis, sans perspective, qui rencontre une jeune fille étrange, mise rapidement au ban de la société dans laquelle elle ne s’insère pas. Je ne dévoilerai pas plus de l’histoire, je n’en savais pas beaucoup plus avant d’aller voir le film et je vous laisse le plaisir de la découverte. Je dirai juste qu’il se plaît à rafraîchir les images rebattues, qui finissent par en devenir des clichés, sur les thèmes qu’il aborde. Les effets spéciaux sont contenus, et au service de l’histoire (pas le contraire), qui se déroule de manière fluide et qui nous capte. L’humour est très présent, décalé et assez irrésistible dans sa vivacité et son emprise à notre monde contemporain. Très étonnantes également, les relations à la littérature : sont ainsi évoqués Charles Bukowski et Jane Austen ou Kurt Vonnegut Jr (Abbatoir 5, livre de science fiction). A noter également, en forme de clin d’oeil, la mise en avant des femmes dans le récit. C’est une histoire féminine où gravitent des hommes, importants certes mais plus secondaires que les femmes.

Une mention spéciale aux comédiens, ceux qui incarnent les deux jeunes héros, Alden Erhenreich et Alice Englert, remarquables dans leur naturel et leur charisme, surtout  face à Jeremy Irons et à Emma Thompson, impériaux, trop rares à mon goût et absolument excellents.

Ce n’est pas un grand film, juste un film d’aventure, comme je voudrais en voir davantage. Il montre ce que cette énorme machine américaine, avec ses moyens budgétaires, avec ses acteurs et ses réalisateurs, pourrait produire en matière de films de divertissement, si elle voulait se donner la peine.
Croisons les doigts et espérons, même si l’avenir immédiat paraît bien lourd…

FB

(1) « Breaking down », 5e opus de la saga, est sorti en deux films.