Peinture – Chaïm SOUTINE (1893-1943)

th (60) « L’escalier rouge à Cagnes » : d’après vous, il monte ou il descend ?

Peintre juif né en Russie, Chaïm Soutine s’est installé à Paris à vingt ans et n’a plus quitté la France jusqu’à sa mort. Réputé en cela peintre français, très ancré dans les tendances contemporaines (touches de peinture en larges aplats, à la manière de Van Gogh, palettes comparables parfois à Cézanne ou Derain, déformations inspirées du cubisme), il n’est pourtant pas que cela.

Je passerai sur les portraits, que je n’aime pas beaucoup et que je trouve, aussi curieux que cela puisse paraître à certains, assez banals. L’exposition qui a lieu actuellement à l’Orangerie à Paris, permet de voir des natures mortes et des paysages qui de mon point de vue révèlent davantage son style si personnel.

De la production qui m’a été donnée à voir, je me suis fait une image (peut-être fausse) du peintre. Tout d’abord, il est extrêmement prolifique et il peint et re-peint les mêmes sujets jusqu’à l’obsession, comme s’il souhaitait exorciser quelque chose en lui. Peu importe d’ailleurs l’objet choisi, souvent ordinaire, un arbre, des glaïeuls, un faisan, une pièce de boeuf. Nous connaissons des peintres qui font et refont jusqu’à la perfection. Ici il me semble qu’il s’agit  aussi d’autre chose : il semble vouloir exprimer, au sens premier du terme, une idée qui l’obsède. Ensuite, à côté des aspects « français » que l’on peut trouver à ses oeuvres, il développe un style bien à lui, certes, mais dans lequel j’ai pensé reconnaître des peintres comme Emil Nolde (pour les couleurs de certaines toiles ou certains motifs), Chagall (pour la palette presque translucide de quelques paysages), Munch (pour les perspectives plongeantes), Rembrandt qu’il revendique (pour l’inspiration des natures mortes, en particulier le boeuf écorché). En cela il apporte dans ces toiles ces traditions des « Ecoles » du Nord et de l’Est.

Transparaît dans son oeuvre une inquiétude dans la déformation des objets et dans les raccourcis/téléscopages de perspectives (tout comme, je l’ai dit plus haut, dans les oeuvres de Munch). Ici les maisons semblent danser le long de fils invisibles, comme des marionnettes, les faîtes des arbres, échevelés, tourbillonnent. Tout est rythme incessant, révélant un homme sur le qui vive. Ce que l’on peut comprendre, vu son origine et l’époque (première guerre mondiale, révolution russe, montée du nazisme). C’est cela que l’on voit dans son oeuvre, à la fois une vie très forte, une animation que rien ne semble arrêter, comme un mouvement perpétuel pour se sauver d’une angoisse sourde.

C’est une très belle peinture, tendue et expressive, qu’il faut aller voir.

tumblr_m7qftpleGx1rc8szoo1_1280Le boeuf écorché, Rembrandt ou Bacon ?