Cinéma – Tim MIELANTS : Tu ne mentiras point (2025)

Voilà un film que je suis allée voir par hasard, Cillian Murphy et Emily Watson en tête d’affiche, cela me tentait vraiment ; et comme le dit le dicton : le hasard fait bien les choses.

Je ne savais pas du tout à quoi j’allais assister, je me suis retrouvée transportée en Irlande (Eire) à l’approche de Noël 1985, dans une petite ville anonyme où nous allons suivre le quotidien de Bill Furlong (Cillian Murphy) et de sa famille. A la tête d’une petite entreprise de vente de charbon, il passe ses journées à sillonner la ville et les alentours pour livrer le combustible. Si elle n’est pas riche, la famille Furlong est à l’abri du besoin et a construit une vie chaleureuse dans son petit intérieur douillet. Jusqu’au jour où, lors d’une livraison au couvent voisin, Bill va assister à une scène dérangeante, une mère poussant sa fille en pleurs vers le couvent pour se débarrasser d’elle.

Il faut d’abord que je fasse une critique sur la traduction du titre (à notre époque, je ne comprends pas comment on ne respecte pas davantage les intentions des réalisateurs – en incise, je ne résiste pas à partager avec vous la traduction la plus illogique que j’ai pu voir : le film que Joseph L. Mankiewicz a réalisé en 1950, s’appelait en version originale « No way out » et est devenu en version française « La porte s’ouvre »…). Bref nous ne sommes pas ici dans le registre du contresens, mais le titre anglais (Small things like these, des petites choses de ce genre) me paraît bien plus adéquat.

Car c’est une histoire qui avance par petites touches, comme pointilliste, semant des indices au fur et à mesure du récit, un scénario très subtil qui construit petit à petit l’image d’un homme à la jeunesse dévastée et qui semble avoir surmonté ses épreuves originelles. Ce qu’il va découvrir ici va ramener son passé à la vie, pour finalement lui permettre de l’accepter et retrouver toute sa dignité d’humain.

Rien de spectaculaire ici, de petits faits qui s’enchaînent pour nous montrer cette société de l’époque, dominée par la religion catholique (ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre la religion en général, sauf quand elle prend comme ici l’allure d’un totalitarisme insupportable), où les femmes peuvent être des proies (voir la scène où de jeunes hommes draguent de jeunes filles d’une manière très explicite) et se retrouver rejetées par la société lorsqu’elles ont « fauté », jusqu’à disparaître dans des couvents sans fond dont souvent elles ne ressortiront pas. Nous voyons aussi la misère, ce petit garçon que Bill croisera sur sa route, en train de ramasser des bout de bois, seul dans la froidure de l’hiver ; et qui lui rappellera aussi sa vie antérieure. Comme autant de petits signaux, des pierres de Petit Poucet qui le ramènent à son foyer d’enfance.

Si le film est si émouvant, c’est qu’il est porté par un excellent acteur, Cillian Murphy, qui nous fait ressentir toutes ses émotions au fur et à mesure que l’histoire se déroule ; son rôle est presque mutique, tout passe par ce que son corps exprime. La dernière scène est à ce sens bouleversante.

Côté acteurs, il faut signaler également la prestation d’Emily Watson, glaçante dans son habit de mère supérieure.

Je n’aurais sûrement pas saisi la profondeur du propos, si je n’avais vu un film uppercut « The Magdalene sisters » (Peter Mullan, 2002), qui permet de mieux comprendre ce dont nous parlons.

Il faut se laisser aller ici, saisir peu à peu les indices, reconstruire une histoire qui vous prend aux tripes l’air de rien, pour vous parler à la fois d’une rédemption individuelle et d’un fait sociétal terrifiant.

FB