Cinéma – Arthur PENN : Missouri Breaks (1976)

Dans les méandres du fleuve Missouri, Etat du Montana, existe un endroit fait de ravins et de recoins abrupts, appelé Missouri Breaks (difficile à traduire mais vous aurez compris l’idée), où peuvent se cacher bien de ces délinquants du Far West, à l’abri des forces de l’ordre dans les circonvolutions abruptes creusées par le fleuve. Ce qui, entre parenthèses, est déjà une métonymie du genre western, la bagarre, le duel, se mettre à couvert dans des endroits protégés pour rendre coup sur coup.

C’est ici que notre histoire commence, pour suivre une bande de voleurs, menés par Tom Logan (Jack Nicholson) dans leurs aventures. La première est le hold-up d’un train qui laisse assez à désirer en termes de stratégie. Avec l’argent, la bande (ou plutôt le meneur de la bande) décide d’acquérir un ranch, tout en continuant à mener ses activités illicites, avec de dessein de voler des chevaux à la police montée canadienne. Ces hors-la-loi vont se retrouver face à l’intransigeance de David Braxton, grand propriétaire terrien, connu pour sa justice expéditive et qui a fait appel Robert Lee Clayton (Marlon Brandon), un « régulateur » connu pour traquer sans répit les voleurs de chevaux et autres.

Ce western fait la part belle aux espaces, toujours nimbés d’un ciel bleu absolu, où les personnages s’inscrivent souvent seuls et semblent écrasés par la vastitude qui les entoure – comme le confesse Jane Braxton, la fille de David Braxton à Tom Logan. La nature est encore presque intouchée et n’a pas fait sa place entière à l’être humain, les villes commencent à peine à surgir de terre, laissant ces vastes paysages vierges. Un western à l’aube du défrichement de ces terres lointaines.

Les hommes sont maladroits, l’action prime sur la réflexion, la bande ressemble aux Pieds Nickelés, toujours en improvisation. Cela constitue une manière efficace de déconstruire le mythe du cow-boy super-héros, d’autant plus que les protagonistes font de la couture, du tricot et jardinent, bien loin des figures véhiculées par d’autres films du genre dans les décennies précédentes. Souvenons-nous de « Little big man », tourné six ans auparavant par le même réalisateur, qui était déjà une entreprise de déconstruction du mythe américain, tel que promu par des géants du genre, comme John Ford par exemple.

Au milieu de cet univers s’impose une figure très originale, celle du régulateur, un homme hors-norme, à la limite de la psychopathie, et perdu dans son monde. Il est guidé par la « foi », il a une mission et n’en dérogera pas jusqu’à la fin. Son aura doit beaucoup au talent incroyable de Marlon Brando, qui sait rendre le personnage imprévisible et menaçant et en fait le protagoniste le plus marquant de l’histoire.

A l’ombre du grand Marlon, bien d’autres talents contribuent à la réussite de l’oeuvre : Jack Nicholson, Frederic Forrest et Harry Dean Stanton en premier lieu, qui savent donner tout le relief qu’il faut à leurs personnages.

C’est un film qui prend sa place dans l’histoire du western, initiée au début du siècle dernier, entre les militants du premier âge (les conquérants) et les opus plus sombres de ces dernières décennies (Clint Eastwood, pour n’en citer qu’un).

Passionnant.

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