Revenue de Chine, après un sevrage de plus d’une année de cinéma européen, j’ai essayé de rattraper mon retard et je suis consciente d’arriver après la bataille pour chroniquer ce film, à la palme d’or bien méritée.
Pour ceux qui n’en auraient pas entendu parler (sûrement peu de monde en France…), une courte introduction sur le synopsis. Sandra, son mari Samuel et leur jeune fils de 11 ans malvoyant, Daniel, vivent dans un grand chalet à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort devant la maison, après une chute depuis les combles dans lesquels il était en train de faire des travaux. Très vite, sa femme, Sandra, soupçonnée de meurtre est mise en examen ; après cette introduction, le film va ensuite nous faire assister à son procès.
Rien de spectaculaire ici, nous sommes a priori plongés dans un drame qui implique une famille « normale », et pourtant le procès va déterrer toutes les failles cachées dans leur quotidien. Le titre recouvre plusieurs dimensions, au premier abord, il y a bien une chute physique, cet homme qui tombe du deuxième étage et se fracasse la tête dans la neige ; mais la chute est aussi celle des faux-semblants qui se dévoilent durant ce procès plus vrai que nature. A l’instar du livre éponyme d’Albert Camus (« La Chute », 1956) où un avocat au faîte du succès prend conscience, à l’occasion d’une lâcheté, de toutes ses zones d’ombre passées, le procès va mettre à jour l’histoire du couple, avec ses non-dits, ses occultations d’événements dramatiques, ses évitements et ses confrontations ainsi que tous les ressentiments et colères qu’ils charrient. Anatomie d’un couple, dans toute la banalité de son existence et de ses sentiments, comme une « Leçon d’anatomie » (Rembrandt 1632), qui ferait de la psychologie son champ d’expérience.
Car, dans ce procès réaliste, avec sa cohorte de magistrats plus vrais que nature, la Cour va devenir la salle d’opération où vont être disséqués le mort et les vivants, afin d’établir des faits indiscutables. A grand coup d’auditions contradictoires, d’interrogatoires serrés, les moindres états d’âme, faits et gestes vont être exposés en public, tant pis s’ils défont l’image d’une femme, abîment celle d’un homme ou blessent un enfant. Au terme d’un examen clinique douloureux, une vérité sera établie et un verdict rendu.
Et pourtant, à l’instar de ce qui se passe dans le film d’Otto Preminger « Autopsie d’un meurtre » (1959), autre film de procès passionnant, qui voit James Stewart défendre Ben Gazzara accusé de meurtre, la vérité judiciaire nous laisse sur notre faim, le verdict (qui nous paraîtrait presque simpliste) laissant bien des questions sans réponse. C’est sûrement là la différence entre une vérité juridique et la vérité bien plus complexe de l’Humain.
Sandra Hüller, l’actrice principale est remarquable ici ; grâce à toutes les nuances qu’elle insuffle dans le personnage de Sandra, nous avons l’impression de mieux le cerner au début qu’à la fin. Difficulté, même pour l’investigation la plus détaillée, de simplifier l’être humain jusqu’à le circonscrire.
FB


Eh bien ! Cela renforce l’envie de le voir.
Il faut absolument ! Un grand film. Merci pour ton commentaire.
Je n’ai toujours pas réussi à voir ce film qui semble faire sensation partout dans le monde, y compris en Chine et aux USA. Ton article passionnant donne évidemment très envie de s’atteler à cette anatomie complexe du couple. Je m’y colle dès qu’il passe à ma portée.
🙏 du conseil.