Chine – Qufu 曲阜 : Tombeau de Confucius 孔子墓(2023)

A un peu plus de deux heures de train au sud de Pékin se trouve la petite ville de Qufu (environ 600 000 habitants, un bourg, quoi).

Un Gaotie 高铁, ces trains rapides comparables (voire plus) à nos TGV, Gare Sud de Pékin

Sa renommée vient du fait que c’est la ville d’origine de Confucius (551-479 av JC), un des plus célèbres penseurs et philosophes asiatiques, dont l’influence est encore très forte dans la culture et la vie quotidienne de la Chine d’aujourd’hui (et dans toute l’Asie, par ailleurs). Sa pensée prône l’éthique, le respect des devoirs et le développement de l’Homme par l’apprentissage et la culture (j’aurais pu écrire « homme » car les femmes étaient exclues de son enseignement…). Il aspire à une société d’ordre, sûrement en contraste avec le désordre de la période dans laquelle il vivait, royaumes fragmentés et rivaux, minés par la corruption. Le respect des Chinois pour la famille, les institutions, les aînés est directement issu de cet enseignement.

Né à Qufu d’une famille pauvre et après y avoir gravi les échelons dans l’administration, il y est revenu après plus d’une décennie d’errance, pour s’y établir comme professeur, avant de décéder à l’âge de 72 ans, faisant nombre de disciples, qui collectèrent ses écrits et disséminèrent sa pensée.

Qufu abrite trois monuments principaux liés à Confucius, un ensemble tout à fait unique classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1994, et dont les noms ne vous étonneront donc pas : le Temple de Confucius, la Résidence de Confucius et la Tombe de Confucius.

C’est de ce dernier endroit que je souhaite vous parler ici, il m’a particulièrement impressionnée et intéressée. Il faut vous dire que j’ai eu la chance de le visiter avec un temps merveilleux, soleil, air pur et froidure de fin d’automne.

C’est une forêt de conifères , composée de genévriers et de thuyas de Chine en majorité, qui s’étend sur 813 hectares en bordure de la rivière Si. Des arbres en résonance, dans nos imaginaires occidentaux, avec la mort (cf. l’expression « Ca sent le sapin »).

J’avoue que je m’attendais à une forêt « classique », si je peux dire, abritant en son sein cette tombe en forme de monument. Et c’est sans hésitation que j’ai pris, à l’entrée, une navette, ce moyen de locomotion si prisé ici pour parcourir l’immensité des sites touristiques, pour m’épargner l’aller en me disant que je marcherai au retour. Erreur… Le bus n’avait pas pour objet d’accomplir un trajet linéaire pour simplement nous amener voir la fameuse tombe, il nous faisait faire un grand tour dans le site et une guide, à grand renfort de porte-voix, nous désignait les endroits intéressants, les uns après les autres, sans que nous ayons la possibilité de descendre, le chauffeur faisant à peine mine de ralentir devant les plus importants.

J’ai d’abord visité cette tombe, au milieu de nombreux groupes (comme j’étais la seule étrangère, un groupe m’avait gentiment adoptée et essayait de me traduire – en chinois- ce que la guide leur racontait en chinois).

J’ai donc fait confiance aux quelques cartons en anglais, pour comprendre.

Il y a d’abord cette arche monumentale de pierre, qui ouvre sur un pont…

… Et la porte, de couleur rouge, construite en 1414 et remaniée sous les Empereurs Qing (1644-1911), qui montrent l’importance du personnage.

Bien imposante, en effet, comme un seuil entre le monde des vivants et celui des morts

Ladite porte ouvrant sur une voie des esprits 神道 (shen dao), réservée aux sépultures d’empereurs et de certains personnages importants, bordée d’animaux en pierre et de représentations de fonctionnaires impériaux, qui font, par paires, comme une haie d’honneur aux visiteurs. C’est un usage secondaire, car elle représente surtout la « voie du ciel » par laquelle le mort retourne aux cieux après sa mort.

Il faut lui assurer une escorte dans ce voyage, ici un mouton
Et là un lion, avec une cage pour le protéger des vivants ou pour empêcher qu’il leur nuise ?

Avant d’arriver à la tombe proprement dite, je vois la tombe de son petit-fils, Kong Ji (483-402 av JC), il faut savoir que Kong 孔 est le nom de famille de Confucius (auquel nous avons donné un pseudo nom latin, comme pour l’assimiler à d’autres penseurs de notre crû, la désinence en « -us » ne laisse pas de doute, son nom réel était Kong Zi 孔子).

La sépulture est cette petite colline derrière la pierre tombale

Et, plus près de son père, la tombe du fils de Confucius, Kong Li 孔鲤 (532-482 av JC).

Différents empereurs sont venus faire leurs dévotions ici et ont voulu laisser une trace (ah, l’importance des traces que nous voulons laisser…) en forme de pimpants pavillons de couleur rouge tous similaires.

L’Empereur Zhengzhong en 1008, l’Empereur Kangxi en 1684, et l’Empereur Qianglong en 1748 ont eu droit à leur pavillon (un pavillon est hors image, rassurez-vous et ne courez pas chez votre ophtalmologiste)

Et puis la voilà, cette tombe si célèbre, j’ai vu nombre de gens faire leurs dévotions ici.

Ornée de bien des offrandes
Même les panneaux indicateurs se fondent dans le décor

J’ai décidé ensuite de refaire à pied, dans l’autre sens, la route que je venais de parcourir véhiculée, pour revoir ce que j’avais à peine entrevu. Une bonne marche de cinq kilomètres, dans le calme et la solitude, à déguster dans cette atmosphère froide et douce de l’automne arrivé.

C’est une promenade particulière à laquelle je vous convie ici, car cette immense forêt est devenue un cimetière pour les descendants de Confucius, ils sont estimés à 100 000, je ne suis pas sûre que ces un peu plus de 800 hectares puissent les contenir, quoique…

Ces tumulus de terre représentent chacun une tombe

Je ne m’attendais pas à arpenter une forêt en forme de cimetière, à cheminer au milieu de ces morts, tous tellement liés à leur famille jusqu’à reposer tous ensemble au travers des générations, tous ces tumulus très simples, marquant chacun la fin d’une vie humaine.

Sous les arbres tordus par le temps et flamboyants

Certains, sûrement en raison de leur rang, ont érigé une pierre tombale pour mieux se rappeler aux vivants.

En caractères anciens
Et parfois par groupes
Dans une disposition très ordonnée

Certaines tombes, en forme de tumulus, ont opté pour un habillage plus sophistiqué.

Avec bordure de pierre
Ou de briques

C’est loin d’être un cimetière musée, j’ai croisé au long de ma route des tombes ornées de bouquets de fleur, voire de décorations insolites pour nous, comme ici.

Je me suis demandée comment ils savaient quelle tombe fleurir, devant cette multitude de tumulus non identifiés

Il fait bon faire son chemin dans cette atmosphère à la fois mélancolique et rayonnante, je serai seule tout au long de mon parcours, croisant une unique promeneuse, nous nous sommes souri, dans une sorte de reconnaissance distinctive, un éloge muet de la lenteur, face à ces minibus vociférant qui nous croisaient de temps en temps.

Qu’il est beau ce chemin

Seule, je ne l’étais pas vraiment, entourée de toute cette généalogie de tombes, avec parfois leurs escortes de pierre.

Deux chevaux faisant partie d’une voie des esprits
Et le bestiaire complet, lion, mouton, cheval
Et les fonctionnaires déjà évoqués, au plus près de la tombe

Pour vous montrer la vitalité de ce cimetière, voici la tombe de Kong Lingyi 孔令贻 (1872-1919), de la 76e génération de Confucius, un Duc, qui, mort à Pékin, a été enterré ici avec ses ancêtres. Cela me semble une très bonne image de l’importance de la famille en Chine (et dans le Confucianisme, bien sûr).

La tombe derrière le monument
Et une voie des esprits très imposante

Il y a parfois comme un peu de taoïsme ici, dans la manière dont la nature s’enchevêtre à l’homme au gré des sépultures.

Arbres ayant pris racine dans une tombe

Dans la beauté du soir qui tombe, je finis cette balade magnifique, où je me suis sentie comme au diapason avec la nature, parfois avec le monde de l’au-delà, je ne sais comment décrire au juste l’harmonie de cette déambulation. Et je franchis la porte de cette forêt si spéciale, pour retrouver le monde des vivants.

Il manque juste Cerbère, non je plaisante !

FB