A un peu plus de deux heures de train au sud de Pékin se trouve la petite ville de Qufu (environ 600 000 habitants, un bourg, quoi).
Sa renommée vient du fait que c’est la ville d’origine de Confucius (551-479 av JC), un des plus célèbres penseurs et philosophes asiatiques, dont l’influence est encore très forte dans la culture et la vie quotidienne de la Chine d’aujourd’hui (et dans toute l’Asie, par ailleurs). Sa pensée prône l’éthique, le respect des devoirs et le développement de l’Homme par l’apprentissage et la culture (j’aurais pu écrire « homme » car les femmes étaient exclues de son enseignement…). Il aspire à une société d’ordre, sûrement en contraste avec le désordre de la période dans laquelle il vivait, royaumes fragmentés et rivaux, minés par la corruption. Le respect des Chinois pour la famille, les institutions, les aînés est directement issu de cet enseignement.
Né à Qufu d’une famille pauvre et après y avoir gravi les échelons dans l’administration, il y est revenu après plus d’une décennie d’errance, pour s’y établir comme professeur, avant de décéder à l’âge de 72 ans, faisant nombre de disciples, qui collectèrent ses écrits et disséminèrent sa pensée.
Qufu abrite trois monuments principaux liés à Confucius, un ensemble tout à fait unique classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1994, et dont les noms ne vous étonneront donc pas : le Temple de Confucius, la Résidence de Confucius et la Tombe de Confucius.
C’est de ce dernier endroit que je souhaite vous parler ici, il m’a particulièrement impressionnée et intéressée. Il faut vous dire que j’ai eu la chance de le visiter avec un temps merveilleux, soleil, air pur et froidure de fin d’automne.
C’est une forêt de conifères , composée de genévriers et de thuyas de Chine en majorité, qui s’étend sur 813 hectares en bordure de la rivière Si. Des arbres en résonance, dans nos imaginaires occidentaux, avec la mort (cf. l’expression « Ca sent le sapin »).
J’avoue que je m’attendais à une forêt « classique », si je peux dire, abritant en son sein cette tombe en forme de monument. Et c’est sans hésitation que j’ai pris, à l’entrée, une navette, ce moyen de locomotion si prisé ici pour parcourir l’immensité des sites touristiques, pour m’épargner l’aller en me disant que je marcherai au retour. Erreur… Le bus n’avait pas pour objet d’accomplir un trajet linéaire pour simplement nous amener voir la fameuse tombe, il nous faisait faire un grand tour dans le site et une guide, à grand renfort de porte-voix, nous désignait les endroits intéressants, les uns après les autres, sans que nous ayons la possibilité de descendre, le chauffeur faisant à peine mine de ralentir devant les plus importants.
J’ai d’abord visité cette tombe, au milieu de nombreux groupes (comme j’étais la seule étrangère, un groupe m’avait gentiment adoptée et essayait de me traduire – en chinois- ce que la guide leur racontait en chinois).
J’ai donc fait confiance aux quelques cartons en anglais, pour comprendre.
Il y a d’abord cette arche monumentale de pierre, qui ouvre sur un pont…
… Et la porte, de couleur rouge, construite en 1414 et remaniée sous les Empereurs Qing (1644-1911), qui montrent l’importance du personnage.
Ladite porte ouvrant sur une voie des esprits 神道 (shen dao), réservée aux sépultures d’empereurs et de certains personnages importants, bordée d’animaux en pierre et de représentations de fonctionnaires impériaux, qui font, par paires, comme une haie d’honneur aux visiteurs. C’est un usage secondaire, car elle représente surtout la « voie du ciel » par laquelle le mort retourne aux cieux après sa mort.
Avant d’arriver à la tombe proprement dite, je vois la tombe de son petit-fils, Kong Ji (483-402 av JC), il faut savoir que Kong 孔 est le nom de famille de Confucius (auquel nous avons donné un pseudo nom latin, comme pour l’assimiler à d’autres penseurs de notre crû, la désinence en « -us » ne laisse pas de doute, son nom réel était Kong Zi 孔子).
Et, plus près de son père, la tombe du fils de Confucius, Kong Li 孔鲤 (532-482 av JC).
Différents empereurs sont venus faire leurs dévotions ici et ont voulu laisser une trace (ah, l’importance des traces que nous voulons laisser…) en forme de pimpants pavillons de couleur rouge tous similaires.

Et puis la voilà, cette tombe si célèbre, j’ai vu nombre de gens faire leurs dévotions ici.
J’ai décidé ensuite de refaire à pied, dans l’autre sens, la route que je venais de parcourir véhiculée, pour revoir ce que j’avais à peine entrevu. Une bonne marche de cinq kilomètres, dans le calme et la solitude, à déguster dans cette atmosphère froide et douce de l’automne arrivé.
C’est une promenade particulière à laquelle je vous convie ici, car cette immense forêt est devenue un cimetière pour les descendants de Confucius, ils sont estimés à 100 000, je ne suis pas sûre que ces un peu plus de 800 hectares puissent les contenir, quoique…
Je ne m’attendais pas à arpenter une forêt en forme de cimetière, à cheminer au milieu de ces morts, tous tellement liés à leur famille jusqu’à reposer tous ensemble au travers des générations, tous ces tumulus très simples, marquant chacun la fin d’une vie humaine.
Certains, sûrement en raison de leur rang, ont érigé une pierre tombale pour mieux se rappeler aux vivants.
Certaines tombes, en forme de tumulus, ont opté pour un habillage plus sophistiqué.
C’est loin d’être un cimetière musée, j’ai croisé au long de ma route des tombes ornées de bouquets de fleur, voire de décorations insolites pour nous, comme ici.

Il fait bon faire son chemin dans cette atmosphère à la fois mélancolique et rayonnante, je serai seule tout au long de mon parcours, croisant une unique promeneuse, nous nous sommes souri, dans une sorte de reconnaissance distinctive, un éloge muet de la lenteur, face à ces minibus vociférant qui nous croisaient de temps en temps.
Seule, je ne l’étais pas vraiment, entourée de toute cette généalogie de tombes, avec parfois leurs escortes de pierre.
Pour vous montrer la vitalité de ce cimetière, voici la tombe de Kong Lingyi 孔令贻 (1872-1919), de la 76e génération de Confucius, un Duc, qui, mort à Pékin, a été enterré ici avec ses ancêtres. Cela me semble une très bonne image de l’importance de la famille en Chine (et dans le Confucianisme, bien sûr).
Il y a parfois comme un peu de taoïsme ici, dans la manière dont la nature s’enchevêtre à l’homme au gré des sépultures.
Dans la beauté du soir qui tombe, je finis cette balade magnifique, où je me suis sentie comme au diapason avec la nature, parfois avec le monde de l’au-delà, je ne sais comment décrire au juste l’harmonie de cette déambulation. Et je franchis la porte de cette forêt si spéciale, pour retrouver le monde des vivants.
FB
























Magnifique et émouvant.La fidélité aux ancêtres est si importante ! Merci, en vous souhaitant de multiples découvertes. Et vous les relatez avec tant de talent ! amicalement
Merci à vous, j’ai adoré cet endroit et je suis ravie d’avoir pu transmettre ce sentiment.
Merci de votre fidélité !
Après un début de visite Confus en bus (c’est bien le moins pour Confucius) ton retour semble avoir été des plus reposants au milieu des gisants. 😉
Tu donnes envie d’aller y faire un tour (Sur le site, pas chez les gisants).
Merci. 😀
Excellent commentaire, on dirait un de tes articles ! Merci merci.