Au nord de la capitale, en bordure du Détroit de Taiwan, se trouve le quartier de Tamsui (ou Danshui 淡水, quartier de l’eau douce), nom bien trouvé car il s’agit d’un quartier fluvial et maritime à la fois. En même temps, nous y retrouvons la fusion de toutes ces civilisations qui cohabitent sur cette île.
Sans vouloir faire un long discours sur l’histoire de cette île, je voudrais vous en présenter les traits principaux, cela me semble essentiel pour la comprendre. Peuplée d’aborigènes à l’origine, de culture austronésienne, ceux que nous retrouvons jusqu’en Nouvelle-Zélande et à Madagascar, mystère des migrations humaines anciennes, elle a été partiellement colonisée au XVIIe siècle par les Hollandais et les Espagnols, en rivalité. Reconquise par les Mandchous de Chine en 1683, elle a été cédée au Japon en 1895. Après l’abdication du Japon en 1945, à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la République de Chine (celle de Tchang Kai Chek), en reprend le contrôle, les troupes de Chang Kai Chek, se replieront à Taiwan après leur défaite face aux communistes en 1949. Depuis cette date, l’Ile abrite la « République de Chine » (à ne pas confondre avec la « République populaire de Chine », celle de Mao et de ses successeurs).
C’est donc un territoire soumis à bien des influences, Aborigènes, Hollandais, Espagnols, Japonais, Chinois et même Anglais y ont laissé leurs traces. Nous ne pouvons pas nous rendre compte, nous autres Français, qui n’avons pas été envahi depuis bien longtemps, car après l’invasion de la Gaule par les Romains, puis par des peuplades venues de l’Est (épisode dit des « invasions barbares », Ve siècle), nous n’avons connu qu’une occupation partielle du teritoire par les Anglais au moment de la Guerre de Cent ans puis une occupation très fugitive par les Allemands pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Nous sommes restés dans une intégrité nationale pendant la majorité de notre histoire.
Ici, les histoires et cultures se sont mélangées, pour créer un creuset comme nous le voyons dans ce quartier de Taipei, mais qui sont également représentatives de ce que nous pouvons croiser au fil des rues de la capitale, comme un petit territoire qui concentrerait toutes ces cultures.
Je vous emmène dans mon cheminement au travers de toutes ces strates d’histoire et de géographie.
Pour illustrer la partie chinoise, je vous présente le Temple de Yinshan 阴山寺, construit en 1822 par des immigrés chinois de la province du Guangdong, consacré à l’un de leur dieux, Dingguang Gufo. Une des premières caractéristiques des temples d’ici est d’être complètement intégrés à la ville.
Vous noterez les toits dits en « queue d’hirondelle », qui se recourbent vers le ciel, ornés de sculptures ciselées, c’est aussi une spécialité de Taiwan, toutes ces créatures qui peuplent les cimes des temples, dragons, personnages, souvent colorés (Je comprendrai plus tard que cette architecture est typique de la province du Fujian).
A l’intérieur, j’ai croisé le garde du lieu, qui écoutait sa radio. Il m’a apostrophée « 你吃饭了吗? » (nichifanlema), pour me demander si j’avais déjà mangé, il était prêt à m’inviter à partager son repas. Quelle gentillesse !
Le temple a conservé la majorité de son apparence originelle, résistant aux grands immeubles qui n’en finissent pas de le cerner.
J’ai pris ensuite un bus local pour rallier la zone des Forts, plus proche de la mer, pour aller voir le Fort Hobe, construite en 1886 pour consolider les défenses taiwanaises et représentatif de la partie espagnole. Même s’il a été édifié par le gouverneur chinois de l’époque, il l’a été sur le modèle du Fort San Domingo, construit en 1628, pendant l’occupation espagnole de Taïwan (1626-1641)
J’étais seule pour arpenter cet espace militaire, fait d’une grande cour entourée de bâtiments de vie et de stockage.
Les constructions sont d’origine, y compris ces murailles de terre, qui entourent l’endroit, ponctuées de canons et d’échauguettes, comme pour guetter un ennemi qui n’est jamais venu. J’ai pensé au livre « Le désert des Tartares » de Dino Buzzati (1940) dans lequel toute une garnison attend en vain un ennemi invisible.
Ma promenade m’a ensuite emmenée à la découverte de la côte, j’ai pris un bus puis marché longtemps pour trouver cette plage, battue par la pluie et le vent, nous sommes à l’extrême nord ouest de l’Ile, nous regardons vers la Chine (j’avoue m’être sentie un peu stressée à l’idée que, même Française, je résidais dans le pays ennemi, je ne me suis pas attardée).
Après cette incursion au bout du monde, géographique autant que géopolitique, j’ai repris ma route vers d’autres points d’intérêt, dans cette nature tropicale.
Nous voilà dans un endroit bien hybride, Hollandais et Anglais y ayant laissé leur patte, il s’agit du Fort San Domingo évoqué plus haut, dont il ne reste que le Fort Anthonio, les Espagnols ayant tout démantelé pierre par pierre avant leur départ. Ce fort, en dépit de son nom, a été construit par les Hollandais en 1644 et les habitants (à qui on ne la fait pas) continuent à l’appeler « la forteresse des Cheveux rouges »…

En bordure du Fort se trouve la résidence du Consul anglais. Une maison élégante sur deux étages, datant de 1891, dont le mobilier intérieur a été reconstitué à l’identique.
C’est assez émouvant de voir cette maison typiquement victorienne plongée dans un univers si différent, comme si recréer un petit bout d’habitat habituel pouvait nous préserver de l’altérité.
Pour continuer avec l’Angleterre (oui je triche, mais c’est mon blog alors je fais ce que je veux), voici le Collège Oxford, première université occidentale fondée à Taiwan par un missionnaire anglais presbytérien, à la fin du XIXe siècle et maintenant enserré dans un vaste ensemble universitaire.
Enfin, n’oublions pas les Japonais, dont l’empreinte sur cette île est primordiale. Voici, en illustration, la maison de Tada Eikichi, Maire de Tamsui, construite dans les années 1930.
La maison est construite en bois, dans le style japonais de l’époque, elle respire la sérénité.
Depuis la maison, la vue sur la montagne de Guanyin, cette déesse chinoise de la miséricorde (et de la mer), est époustouflante.
Dans la beauté du ciel bleu retrouvé, j’ai arpenté des rues typiques de l’endroit, des rues commerçantes où vous pouvez trouver une universalité de produits, européens, chinois, japonais, en résonance avec toute cette riche histoire.
Un dernier coup d’oeil à cette ville maritime, en forme de trois photos.
En condensé, un peu de ma visite dans cette ville incroyable.
FB



























Toujours intéressant et passionnant
Tu vas devoir faire un bouquin de toutes ces visites 😁😘
Merci Frédéric, ravie que tu me suives, j’espère que tu vas bien.
Ville incroyable en effet, avec cette confrontation d’influences, et même un intérieur très anglais, des toits ornés au maximum, mais des immeubles d’habitation pour plein de monde, que l’on retrouve dans les rues. A en avoir la tête qui tourne ! Vous vous dirigez vraiment bien, marche à pied, bus, etc, en exploratrice ! Merci et bravo 🙂 amicalement 🙂