Je continue à vous faire partager mon voyage dans cette province du Yunnan, si fascinante par sa diversité. Comme vous le voyez sur la carte ci-dessous, elle tutoie bien des provinces chinoises, dont le Tibet, mais également de nombreux pays d’Asie du Sud-Est (Birmanie, Laos, Thaïlande et Vietnam). Voyager dans cette « province » (qui représente à peu près 20 fois la France, en termes de surface et de population !) est très dépaysant car vous traversez toutes ces atmosphères si opposées, en tongs et short en train de déguster des fruits exotiques dans le Xishuangbanna (西双版纳) dans le sud et en doudoune (avec peut-être une bouteille d’oxigène) à Shangri-La.
A deux heures de train au nord de la capitale, Kunming, où j’ai commencé mon itinérance, se trouve la ville de Dali 大理, au bord d’un grand lac, le lac Erhai (40 kilomètres de long) qui irrigue une plaine située à 1900 mètres d’altitude, au pied des Monts Cangshan, culminant eux à 4000 mètres.
Nous sommes au cœur du pays de la minorité Bai (白, « blanc », en référence à la couleur majoritaire de leurs habits), qui vit ici depuis 3000 ans. Entre le VIIe et le XIIIe siècles, deux puissants royaumes successifs, celui de Nanzhao et celui de Dali, dominent la région. Le dernier est défait par les Mongols qui envahissent et conquièrent la Chine au XIIIe siècle. Voilà pour les éléments historiques, la géographie du lieu explique sûrement pourquoi des autonomies ont pu survivre longtemps.
Je commence par vous faire partager l’incroyable lieu où j’ai été hébergée à Xizhou 喜洲, capitale impériale du Royaume de Nanzhao déjà cité, étape importante pour les caravanes qui allaient de l’Inde au Tibet (vous me direz que sur la carte, cela n’a pas l’air du chemin le plus court, n’oubliez pas la barrière des montagnes !).
Cet endroit, dénommé « Linden Center », est un hôtel créé dans une maison traditionnelle qui s’articule autour de trois cours successives (et les propriétaires ont eu la bonne idée de rajouter une terrasse à l’extrémité sud).
Rassurez-vous, avant de boire cette bière de Dali (bien méritée), je suis partie arpenter les rues de Xizhou. J’ai notamment visité la Maison de la Famille Yan, construite en 1907 par un riche négociant en étain, cuivre et blé. Elle est constituée de quatre cours successives construites dans les canons de l’ethnie Bai, soit trois bâtiments autour de la cour et un mur écran orienté vers l’est (comme dans la première photo de cet article).
Tout est fait de bois, avec des ornements finement ouvragés.
Après ce cheminement dans un espace bien chinois, je tombe nez-à-nez avec un bâtiment intrigant, bien occidental.
Le fils du fondateur, dans les années 1930, avait décidé de construire un pavillon selon la mode de l’Ouest (avec toutes les difficultés que vous pouvez imaginer pour acheminer les matériaux dans cette vallée perdue à l’époque : achats faits à Hong-Kong, puis transportés par bateau jusqu’à joindre la ligne de chemin de fer entre le Vietnam et le Yunnan pour être ensuite acheminés jusqu’à leur destination finale par chevaux). Ajoutons à cela que cet homme a fait construire un abri anti-aérien dans la peur d’une guerre avec le Japon (il n’avait pas totalement tort, ici).
J’ai repris ensuite ma route pour sillonner le village. Ma première impression a été bien négative, une sorte de Disneyland, comme un immense centre commercial qui se serait abrité dans toutes ces belles maisons qui ne demandaient rien.
La vieille ville, dans son centre est maintenant ponctuée de magasins assez normés, le premier propose des « déguisements » ethniques, maquillage inclus, pour que vous ressembliez à une femme (et parfois à un homme, mais souvent, dans le couple, l’homme est préposé aux photos), le deuxième vend des boissons sucrées à base souvent de thé, de café ou de glace, le troisième propose des spécialités pour touriste, encore un restaurant et nous recommençons la litanie…
Le lendemain, j’ai fait mon chemin (grâce à un didi, les taxis d’ici) jusqu’à la vieille ville de Dali, en commençant par aller voir les Trois Pagodes, qui faisaient partie d’un temple construit sous la dynastie des Tang (618-907), adossé aux monts Cangshan. Elles sont merveilleuses, érigeant leur hauteur sur le velours des montagnes, le bleu profond du ciel et le blanc cotonneux des nuages. La plus haute, la pagode Qianxun, fait 69 mètres, elle a été bâtie en 836.
Le reste du temple a été détruit au XIXe siècle et reconstruit (sûrement récemment), laissant ces trois pagodes comme esseulées. Il faut patiemment gravir nombre de degrés pour accéder aux plus hauts bâtiments et même si les amateurs d’histoire se détourneraient, l’ascension vaut le détour pour le paysage.

Après avoir gravi ces innombrables marches (heureusement, j’avais pris un billet pour redescendre en minibus !), j’ai hélé un taxi pour rejoindre Dali.
Je commencerai mon reportage par la nourriture (après tout, Français et Chinois se rejoignent sur ce sujet, il y a dans les deux pays un véritable culte de la nourriture, j’en donnerai un exemple en incise : demander à un Chinois : 你吃饭了吗 ? Ni chi fan le ma ? qui signifie « As-tu mangé ? » peut vouloir dire : « comment vas-tu ? »).
Guidée par le Guide vert (allitération…), j’ai trouvé cet endroit absolument charmant où je me suis attardée.
Et j’ai déjeuné comme une reine (parce que je le vaux bien !).
Rappelons ici quelques spécialités de l’endroit.
La ville de Dali est bien belle et à la fois gagnée par la vague touristique qui submerge toute la région. Les maisons sont cependant bien belles, dans leur architecture représentative du lieu, pierre et bois, avec tous ces frontons qui s’avancent sur la rue.
Et pourtant, en se perdant dans les alentours, dans tous les recoins offerts par les ruelles adjacentes, nous pouvons mieux apprécier les lieux.
C’est ainsi que j’ai fait la découverte de cette improbable église, fondée par la Congrégation de Bétharram (presque des pays !), construite dans les années 1930 dans le style du Yunnan (il faut savoir qu’il y a encore près de 80 000 catholiques dans la région).
Le bâtiment principal est lui aussi un croisement entre le style architectural du Yunnan et les canons de la religion catholique ; la croix paraît presque improbable ici.

Pour terminer mon cheminement dans la ville, je suis allée rendre visite au musée du lieu, j’ai découvert une exposition de matériel issu de tombes du XVIe siècle, excavées dans les années 1960. Passionnant.
J’ai adoré l’extrême délicatesse de ces silhouettes de glaise et pierre.
Je suis ensuite partie à la découverte du Lac Erhai, prenant des Didi les uns après les autres,
Chemin faisant (j’ai quand même fait en tout presque 4 heures de voiture, donc j’ai eu le temps de voir les choses se dérouler), j’ai noté toute une cohorte de Mercedes décapotables, de couleurs vives, vert d’eau ou rose, que de jeunes urbains fortunés empruntaient pour faire le tour du lac.
Est-ce que tous ces gens ont acheté les mêmes voitures (possible vu les tendances grégaires de mode) ? Ou est-ce qu’une agence de location a trouvé le bon filon ? Je ne sais.
Toujours est-il que, quand je me suis enfoncée sur les abords de cette route sinueuse qui fait le tour du lac pour aller découvrir un village, l’inégalité de vie m’a de nouveau sauté au visage.

J’ai rejoint mon village d’ancrage dans toute cette luminosité du soleil qui déclinait.
Le temps de voir ces travailleuses s’échapper vers leur logis.
FB
Superbe!
Ah, la nourriture… Savais-tu que, selon je ne sais plus quel guide gastronomique, la cuisine française vient de passer au troisième rang mondial derrière l’Italie et… La Chine.😋
Non je ne savais pas, de toute manière ces classements sont curieux. Ce que je peux dire c’est qu’ici on accorde autant d’attention à la nourriture qu’en France. Manger est très important et une salutation commune est « Ni chi fan le ma ? » (你吃饭了吗 ?), ce qui signifie littéralement « As-tu mangé ? » mais qui dans les faits sert simplement à saluer son interlocuteur (un peu comme « Ca va ? »).