Je veux vous parler ici d’un groupe russe, que je viens de découvrir en sinuant dans les recoins du journal « Le Monde », à travers une brève relatant leur coup d’éclat, ils ont produit un clip anti-guerre, avant de s’envoler pour les Etats-Unis.
« Generation cancellation », le clip dont il est question, est dans la veine musicale du groupe, hip-hop et pop, mais avec ici une référence assumée au rock de The Who, qui en 1965 avaient défrayé la chronique avec leur tube « My generation ». Nous y faisons la connaissance de Ilya Vladimirovich Prusikin, le leader, avec son regard fixe et menaçant, mais aussi de l’univers assez « barré » du groupe. Nous notons aussi un engagement politique critique assumé (vous me direz qu’il est actuellement de bon ton de vouer Poutine et sa guerre en Ukraine aux gémonies, avouons quand même que c’est ici assez percutant).
Le groupe comprend quatre membres, trois hommes et une femme, qui ont maintenant entre 30 et 40 ans ; il a été fondé à Saint-Pétersbourg en 2013, dans ce qui sûrement la ville la plus occidentalisée de Russie, ceci expliquant leur imaginaire à la fois étrange et familier pour nous.
J’ai ensuite creusé leur discographie, surtout par le biais des clips qu’ils ont produits. Car si leur musique ne m’a pas vraiment convaincue, je dois dire que je suis restée émerveillée par ces petits bijoux filmiques totalement hors norme, reflétant des personnes qui ne payent aucune attention au regard des autres, c’est d’ailleurs un bel éloge de la différence. Et qui, bien qu’étant parfois seulement absurdes, portent également sur le monde un regard neuf et critique bien intéressant. Notons également l’aspect vivifiant et dynamique des morceaux et de l’esthétique qui les accompagnent, ainsi que le rythme impeccable de la mise en scène.
Les références viennent de partout, elles sont plutôt visuelles, c’est un vrai condensé de culture, des contes de fées aux films noirs, en passant par la science-fiction ou la politique.
Je vais vous en présenter quelques-uns, je vous les recommande tous.
Voici « Skibidi« , un de leurs tubes, qui nous emmène dans quelques archétypes russes, les femmes aux jambes infinies, la vodka consommée à outrance et les bandes qui se font la guerre. Mais qui tourne surtout autour de cette démarche idiote, qui m’a fait furieusement penser aux Monty Python et leur Ministère des démarches ridicules. Ici le ridicule ne tue pas, il dynamise et fait rire. J’adore la danse des chats, en passant, ainsi que les interventions des coq, chien et autres sur la bande son…
« Hypnodancer » est tout aussi bizarre, bien que très structuré dans son récit. Des malfrats, l’empire du jeu, et de la drogue (un peu détourné vers un jeu de cartes assez basique, « Uno »), des femmes fatales, la police et des allusions à « Saturday night fever » (selon les moyens maladroits des danseurs, admettons-le), un cocktail détonnant qui ne se prend pas au sérieux.
« Moustache » est une dystopie hilarante, qui nous fait revoir nos critères de beauté en 3’30, sur fond d’enquête policière rondement menée.
Une découverte qui m’a bien fait rire, et qui m’a fait penser à ce cinéaste que j’adore, Emir Kusturica.
FB