J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici cet endroit, le Musée national des beaux-arts (中国美术馆) à une portée de vélo de chez moi, qui présente des expositions vraiment passionnantes (很有意思). Même s’il faut parfois les saisir au vol, certaines durant à peine une semaine ! (Comme déjà évoqué, ici tout va très vite, les expositions sont au diapason). Sur un plan artistique, elles m’ont donné à voir bien des artistes intéressants et dans le même temps, elles disent beaucoup sur la Chine.
Cette fois-ci, j’ai découvert Wang Junsong, un peintre né dans la province de l’Anhui en 1951. Je ne connais rien de plus sur lui, n’étant pas encore assez forte en chinois pour me perdre dans les notices biographiques le concernant (la scission des informations fonctionne dans les deux sens, je n’ai rien trouvé sur les sites occidentaux).
La première oeuvre, saisissante dans son ambition, est un rouleau de 5 mètres de long, une succession de paysages qui nous mène d’un bout à l’autre du pays. Ce qui est intéressant ici est le mélange entre tradition et actualité.
D’abord sur un plan esthétique, les peintures font allégeance à l’art ancestral de la peinture chinoise. Cette première oeuvre est peinte sur un rouleau bordé de soie, comme les oeuvres de l’ancien temps, qui se déroule sur des mètres pour déployer l’ensemble des plans (il y avait également un rouleau de 8 mètres sur les mêmes thèmes, que je n’ai pas chroniqué). Elle fait également la part belle à l’étagement des plans comme dans la tradition picturale du pays, les derniers niveaux se perdant dans une brume qui nous rappelle bien des images d’Epinal chinoises (si je peux me permettre) que nous avons en tête. Pour autant la manière de peindre est bien moderne, les formes découpent la toile avec une netteté inédite ; massives et parfois presque imparfaites, ces différentes structures peuplent la surface de la toile comme autant de manifestes.
Et, dans le même temps, nous voyons ici des thèmes contrastés. Certains sont anciens, ces nuées d’oiseaux qui parcourent ce monde nouveau comme ils hantaient auparavant les figures de palais et de rivières non polluées. Les montagnes non plus n’ont pas changé, elles ont simplement fait le voyage depuis les siècles passés pour s’intégrer dans l’oeuvre, répondant en cela aux oiseaux. Montagnes et oiseaux traditionnels font escorte désormais à des objets bien actuels, ponts d’acier, éoliennes, gratte-ciel, barrages hydrauliques, tout en n’oubliant pas les objets traditionnels, comme les temples par exemple. Un hiatus qui ne cesse de surprendre et ne manque pas de beauté.













C’est au travers d’oeuvres de ce type, de grande qualité, il faut le dire, que nous saisissons certaines différentes culturelles entre Chine et France (et c’est passionnant). Ici, nous sommes devant une peinture d’intégration, les objets industriels sont amalgamés dans la forme ancienne et la font évoluer vers l’avenir. A l’image de la société chinoise, qui adore son passé mais sait s’en détacher pour aller de l’avant (même si je ne sous-estime pas ici les destructions causées au XXe siècle). Il faut se renouveler, intégrer le présent au passé, semble dire cette peinture, qui porte en elle une philosophie qui ne dit pas son nom.
En France, le paysage industriel a été généralement sous-représenté dans l’art jusqu’à maintenant (mettons à part les quelques incursions des Impressionnistes, les ports industriels d’Albert Marquet et le peintre assez unique en son genre qu’est Fernand Léger). Imaginez un instant que l’on intègre à des peintures anciennes des éoliennes ou des ponts d’acier ? Impensable, me direz-vous, et vous aurez raison, les conceptions sont vraiment différentes ici.
Je vous laisse prendre connaissance du reste de l’oeuvre, bien belle également. Avec un côté crépusculaire, où la nature se fait cendre, feu ou glace. Les traits, vigoureux et chargés, contribuent à cette atmosphère d’outre-monde (j’ai parfois pensé au Seigneur des Anneaux).





Et puis pour la légèreté, les shootings photo ne sont pas réservés aux jardins !
FB
Merci pour ce grand reportage très complet 🙂
J’aime beaucoup. On peut même déceler une lecture provocatrice dans ces toiles mêlant un art traditionnel de représentation de la nature et l’introduction de l’ingénierie humaine et polluante.
Je ne sais pas si cet aspect est volontaire, voire assumé.
Très beau reportage comme toujours. Bravo !