J’ai traduit ici un article de Lars James Hamer publié sur « That’s Beijing ». L’auteur partage le quotidien de deux femmes affectées aux hôtels de quarantaine ; les images sont d’une femme dans l’équipe qui gère l’hôtel.
Ces hôtels servent à enfermer les personnes arrivant de l’étranger, actuellement pas moins de 21 jours, parfois jusqu’à 28, dans une chambre d’hôtel avec a minima 8 tests PCR pendant le séjour.
Je vous laisse apprécier sans commentaire.
En Chine, avant que le Covid19 soit combattu dans les rues, il a été combattu dans un espace assez particulier, les chambres d’hôtel.
Les hôtels d’isolation dans l’Empire du Milieu sont là pour arrêter le virus avant qu’il ne se répande. Mais quelles sont les conséquences sur la santé mentale et physique de ces travailleurs qui s’isolent volontairement et travaillent en proximité du virus ?
La politique « zéro Covid » de la Chine essaye d’éradiquer toute trace du virus dès qu’il apparaît. Un seul test positif peut mener à une campagne de tests massifs sur une ville entière. Des confinements sont imposés sur des districts, des villes, voire des provinces, en un clin d’oeil. En janvier, un centre commercial de Canton a été bouclé parce qu’une femme testée positive avait fait une brève incursion dans le centre. Les clients n’ont pu quitter le centre qu’après un test PCR négatif. Et plus tard, il s’est avéré que cette femme avait eu un test négatif et n’était pas atteinte de la maladie.
Le plus difficile, dans cette politique, à la fois pour les Chinois et pour les étrangers, est la fermeture des frontières. Certains étrangers n’ont pas pu rentrer chez eux depuis le début de l’épidémie en janvier 2020. En parallèle, certains Chinois sont bloqués hors de leur pays en raison du prix des billets qui est devenu exponentiel.
Toute personne qui veut venir en Chine doit faire une période de quarantaine dans un hôtel d’isolement, certaines provinces imposant jusqu’à 28 jours d’isolement.
Le prix de la quarantaine, si vous voulez revoir votre famille, paraît un prix normal à payer. Mais que dire du personnel qui travaille dans ces hôtels ? Ce personnel a choisi de s’isoler loin de sa famille.
« C’est une situation critique, la nuit dernière quatre personnes ont eu un test PCR positif, nous sommes très occupés » explique Peng, une traductrice d’un hôtel d’isolement. Les quatre cas positifs sont des Chinois qui reviennent des Pays-Bas. Comme le veut le protocole, ils ont été immédiatement transportés vers un hôpital proche pour être surveillés et soignés.
« Quand il y a un nouveau cas, je suis toujours un peu ennuyée par la situation car nous avons des relations proches avec les hôtes », nous dit Peng.
Peng a été diplômée en 2021 dans l’Université de Canton et depuis quatre mois, vit dans un hôtel de quarantaine. Seule traductrice de l’hôtel, elle aide les étrangers à s’enregistrer à l’arrivée, à remplir les formulaires et à communiquer avec l’équipe. Dès qu’ils arrivent, elle est à leur côté.
Cet hôtel comprend une équipe de 200 personnes, employés de l’hôtel, personnel de ménage, équipe médicale et employés du gouvernement.
Lin XX est une pharmacienne à l’hôpital qui est régulièrement transférée à l’hôpital de quarantaine. Elle est responsable des tests PCR pour les hôtes et l’équipe. Elle vérifie également l’environnement pour chercher des traces du virus ; une étape essentielle pour assurer que le virus ne se répand pas hors de l’hôtel.
Quand nous avons parlé à Lin, elle venait de finir un tour de 24 heures à l’hôtel. De 8 heures du matin à midi, elle avait aidé le personnel à gérer les cas positifs qu’ils venaient de découvrir en conduisant des tests PCR dans tout l’hôtel. Ensuite, elle a commencé son tour normal de garde. Le manque de sommeil ajouté à une pression intense peut avoir des conséquences sur la santé mentale et physique.
Dans les jours qui ont suivi la découverte de cas importés, une des collègues de Lin est tombé malade. Elle avait des symptômes de rhume et de la fièvre. Elle a été isolée au sein de l’hôtel, avec un approvisionnement de médicaments et de nourriture sur le seuil de sa porte. Un autre membre de l’équipe a été transféré pour prendre sa place. Heureusement, la collègue de Lin n’avait pas contracté le Covid19. Pour autant, ces événements ont eu des conséquences significatives sur l’équipe.
« Toute l’équipe dédiée à la gestion des cas les plus risqués était nerveuse », dit Peng, « au début, je pensais que tout allait bien, mais ensuite un des membres de l’équipe médicale dit qu’il était inquiet et a demandé à parler au psychiatre. Cela m’a rendue nerveuse moi aussi »
« Il y a un psychiatre dans l’hôtel de quarantaine qui donne une évaluation psychologique de tous les résidents », explique Lin. « Certains résidents ont des difficultés de santé mentale qui peuvent aller jusqu’à des cas sérieux et même des idées suicidaires ».
Peng admet que travailler dans un hôtel de quarantaine peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale des travailleurs.
« Nous devons rester dans une pièce longtemps et nous ne pouvons pas sortir », dit-elle, « parfois je me sens triste le soir et je ne sais pas pourquoi. J’ai vu que bien de mes collègues sont comme moi ».
« J’ai pris l’habitude de discuter avec le psychiatre et cela a vraiment marché. Avec le temps j’ai trouvé un soulagement dans la pratique du yoga, en discutant avec ma famille et mes amis et en faisant des projets pour l’avenir. Cela me fait sentir beaucoup mieux. »
Peng est une adepte du fitness et pour occuper son esprit pendant la quarantaine, elle utilise le club de sport de l’hôtel pour tourner des vidéos d’exercices sportifs qu’elle poste sur WeChat.
Cette période de quarantaine sera la dernière pour elle. Elle projette de rentrer chez elle et de faire la « Spartan race » à Shenzhen en mars.
Elle pense aussi que travailler dans un hôtel d’isolation est bon pour sa carrière car elle peut s’appuyer sur cette expérience pour asseoir ses compétences de traduction.
Malgré le fait que son séjour ici se termine, Peng admet que les deux dernières quarantaines qu’elle a accompagnées ont été les plus dures.
« Quand je reste longtemps dans l’hôtel, je finis par avoir des idées noires. La dernière fois, je me suis retrouvée à parler au docteur de la santé de ma grand-mère. Mon petit ami avait lui aussi des problèmes avec son travail. Mes émotions n’étaient pas stables et nous nous sommes beaucoup disputé ».
Même si on lui fournit petit-déjeuner et déjeuner et qu’elle n’a pas à s’inquiéter des factures ou du loyer, Peng dit qu’un long séjour ici peut vous broyer.
« Noël est un moment très important en Occident et le Nouvel An chinois est la même chose pour les Chinois, mais j’étais seule à ces deux occasions », se souvient Peng. « Les résidents étaient rentrés chez eux, l’équipe était partie et le prochain convoi de voyageurs n’était pas encore arrivé ».
Peng est originaire de Chengdu, alors pendant les deux ou trois jours qui séparent le départ d’un convoi et l’arrivée d’un autre, elle ne peut pas rentrer chez elle.
Lin a d’abord travaillé dans un hôpital et est transférée temporairement dans l’hôtel. Cela signifie qu’elle ne restera pas pour toute la période de quarantaine et pourra rentrer chez elle.
Quand Peng a pris ce travail, au début, elle n’a rien dit à ses parents parce qu’elle savait qu’ils s’inquièteraient. Après quelques mois dans l’hôtel, elle leur a dit ce qu’elle faisait. Après qu’ils se soient inquiétés au début pour sa santé, ils ont ensuite été fiers de leur fille qui était assez courageuse pour prendre ce poste.

« Je pense qu’il y a un vrai sens pour moi de travailler dans cet hôtel et je peux pratiquer mon anglais », dit LIn, qui, quelques jours après la découverte de quatre cas importés, est revenue travailler à l’hôpital.
Malgré le fait qu’elle soit la seule dans l’hôpital à demander à être affectée à l’hôtel d’isolation, son manager continue de lui assigner des tâches à l’hôpital ; bien des directeurs d’hôpitaux feraient mieux d’envoyer en quarantaine de jeunes femmes sans enfant ou famille, explique Lin.
Peng et Ling sont toutes deux responsables du cinquième étage, aussi connu comme l’étage des personnes au risque le plus élevé. Ce groupe est usuellement constitué de Chinois de l’étranger et de cas contact. Les résidents de l’hôtel peuvent souvent être difficile à gérer et refusent de se soumettre aux tests PCR. Certains vont parfois jusqu’à insulter l’équipe.
« Certains résidents essayent de résister, même s’ils savent que nous devons faire des tests », rappelle Lin. « Ils pleurent, ils prennent de haut l’équipe médicale, se plaignent et couvrent leur nez avec leurs mains. Un homme d’environ cinquante ans m’a insultée et m’a dit que j’étais cruelle ; un autre s’est plaint qu’il ne pouvait plus dormir la nuit en pensant au test PCR ».
Lin continue à expliquer que ces clients sont les plus durs et qu’elle doit presque les traiter comme des bébés, en les cajolant et en les grondant en même temps pour qu’ils fassent les tests.
En dépit de ces cas difficiles, Peng et Lin ont aussi de belles et chaleureuses expériences dans l’hôtel ; bien des résidents ont été très reconnaissants pour leur service et leur ont écrit des cartes de remerciement (qui ont été immédiatement plongées dans une solution désinfectante) et ont posé pour des selfies au moment de leur départ.

« J’apprécie vraiment de rendre service aux étrangers, la plupart d’entre eux sont polis et reconnaissants de notre travail », dit Peng. « Je suis aussi heureuse pour ces Chinois qui rentrent chez eux après avoir vécu à l’étranger longtemps. Je pense que cette période me manquera, parce que, même si c’est dur, c’est un vrai apprentissage ».
Les Chinois comptent les jours jusqu’à ce que le pays ouvre ses frontières et qu’ils puissent à nouveau voyager librement hors de Chine. Pourtant, s’il n’y avait pas ces hôtels de quarantaine, où les équipes s’efforcent de contenir les cas, nous pourrions avoir à faire à un confinement à large échelle.
FB
Article très intéressant (comme toujours), car voir l’autre côté du miroir donne même un peu d’humanité à la quarantaine. Merci du partage!
Eh bien, et il y en a ici qui se plaignent d’être obligés de porter un petit masque quelques heures par jour !
Merci pour ces informations