Chine – Situation sanitaire à l’approche des JO (2022)

Ici vous risquez plus d’attraper une quarantaine que le Covid19

Comme je vous l’ai déjà raconté, la Chine a décidé de mettre en place une politique « 0 Covid-19 » depuis 2019. Depuis, le niveau de restriction des mesures varie en fonction de deux paramètres : le nombre de cas détectés à un endroit précis et l’imminence d’un événement (le plus souvent politique) majeur.

Ainsi, nous avons vu la situation se tendre ou se détendre au gré de l’importance des célébrations depuis deux ans (avec des pics l’an dernier, au moment des Deux assemblées, 两会 « liang hui », en mars, quand l’Assemblée nationale populaire et la Conférence consultative politique du peuple chinois tenaient leur réunion annuelle et que des milliers de délégués affluaient dans la capitale chinoise et au moment du 100e anniversaire du Parti Communiste Chinois en juillet).

Ici tout peut changer du jour au lendemain, une contrainte se mettre en place ou disparaître très rapidement, grande réactivité de ce pays et forte propension à la surréaction.

Maintenant, comme nous le savons depuis un moment, les Jeux Olympiques et Paralympiques d’Hiver 2022 vont être un vrai jalon dans cette lutte sans merci, capable de sacrifier les individus sur l’autel sanitaire. Or, cet idéal de maîtrise de la pandémie est bien menacé par l’irruption du variant O’Micron qui terrorise les gouvernements régionaux (car ici personne ne veut être celui par qui l’épidémie arrive – le dicton français « c’est au porteur de mauvaises nouvelles que l’on coupe la tête » pourrait être chinois).

Des mesures prophylactiques ont été prises depuis bien avant cette nouvelle phase de la pandémie pour sécuriser l’événement. Ont été ainsi créées à Pékin des « bulles » fermées autour des principaux centres où se dérouleront les compétitions. Le personnel qui doit travailler autour des J.O., les femmes de ménage, les employés de tout crin, y sont enfermés depuis novembre, sans plus pouvoir avoir de contact physique avec leurs proches jusqu’à fin mars (je suppose qu’il en va de même pour les équipes sportives chinoises). Les journalistes chinois qui couvrent les J.O. seront eux aussi confinés pendant la durée des événements, soit pour certains pendant deux mois. Une illustration de la prépondérance du collectif sur l’individuel ici.

Actuellement, le variant Omicron est arrivé sur le sol chinois et, plus grave dans le contexte que je viens de vous exposer, a fait des formes locales apparemment non liées aux cas importés. Car ici, on distingue les cas importés (je fais les sous-titres : ce sont les mauvais étrangers qui ne savent pas combattre l’épidémie qui nous envoient ces cas) et les cas locaux (idem : alors là c’est nous, nous ne pouvons pas perdre la face 面子, un élément essentiel dans la vie relationnelle chinoise), et donc les politiques sont plus dures dans le deuxième cas de figure.

Pour le moment, Pékin, qui menaçait de se fermer complètement, reste ouverte aux arrivées. Certes, par mesure de précaution, certaines entreprises localisées près des centres névralgiques où doivent se dérouler les épreuves olympiques, ont demandé à leurs salariés de se préparer à télétravailler plusieurs mois. Mais la capitale ne s’est pas confinée, c’est plutôt un bon point.

Il faut savoir quand même que cette lutte est quelque chose d’harassant pour les personnels soignants et autres impliqués dans le processus et que cela coûte beaucoup au pays, à la fois en coût direct (tests PCR, masques et tenues, centres de quarantaine) et indirect (manque à gagner sur les transports et le tourisme national).

Toujours ces silhouettes blanc et bleu

Dans l’arsenal mis en place dans les villes peu chanceuses où le variant Omicron a fait son apparition, je voudrais illustrer certaines des armes (à destruction massive comme dirait peut-être un ancien Président américain dont je tairais le nom) mises en place.

Confinement

C’est l’arme absolue, que nous connaissons bien en Occident. Mais ici, à la différence du reste du monde, quand on parle de confinement strict, il est strict (et rare, heureusement). A Xi’an (la ville où l’on peut voir le mausolée de l’Empereur Qin avec les milliers de guerriers en terre), où vivent 13 millions d’habitants, un confinement a été mis en place depuis le 23 décembre, car depuis le 9 décembre jusqu’à aujourd’hui, la ville a totalisé presque 2000 cas de Covid-19 (le confinement est intervenu bien avant ce chiffre). Cela veut dire que des gardes de quartier surveillent les immeubles pour vérifier que la règle qui veut qu’un membre de chaque famille puisse sortir un jour sur deux ou trois pour ravitailler le foyer soit bien respectée. A l’annonce du confinement les habitants se sont rués sur les magasins et les ont dévalisés. Et puis il y a eu quelques problèmes de ravitaillement par la suite. Les supermarchés, les magasins de nourriture fraîche ont ré-ouvert le 8 janvier, ainsi que les livraisons (sauf de plats préparés, c’était la même chose quand j’étais en quarantaine, je n’ai toujours pas compris cette exclusion, la Chine reste parfois une terre bien mystérieuse) ; pour autant tous les coursiers et livreurs doivent avoir un test PCR de moins de 48 heures, ce qui est quand même assez compliqué (surtout que tous sont vaccinés avec au moins deux injections, voire trois).

Aaah, mais non cela ne fait pas mal

Anyang, une ville de 5 millions d’habitants dans la province du Henan, après avoir eu 58 cas locaux a décidé de confiner la population de la même manière (je vous avais prévenu, quand les cas sont locaux, ils comptent double ou triple voire plus). Bien sûr, toutes les communications, train, avion, avec Pékin sont suspendues, car le virus pourrait prendre le train jusqu’à la capitale, en douce.

Tests PCR

Testez, testez, il en restera toujours quelque chose

L’autre bras armé de la lutte est l’incontournable test PCR. Qui est ici déployé à grande échelle, nous parlons de millions de personnes testées en quelques jours.

A Tianjin, ville proche de Pékin, après que 20 personnes aient été testées positives le 7 et le 8 janvier, la ville a décidé de tester 9,8 millions de personnes en trois jours, ce qui a permis de détecter 31 cas symptomatiques et 10 asymptomatiques, de quoi alimenter la paranoïa générale (cela fait quand même 0,0000041% de la population, le danger est bien là !).

Yuzhou, ville du Henan, province du centre de la Chine, vient de commencer son septième cycle de tests et Zhengzhou, la capitale de 10 millions d’habitants a déjà mené 4 cycles de tests entre le 4 et le 10 janvier.

A Xi’an, le 5 janvier plus de 5000 centres de test PCR ont été installés (en moins d’un mois).

Car ici, on teste puis on re-teste à partir de quelques cas, il ne faudrait pas que l’infection puisse altérer en quoi que ce soit la grande cérémonie internationale des J.O. Dans le cas contraire, Dieu sait ce qu’il pourrait arriver aux fonctionnaires négligents.

Alors tu l’as trouvé ce Omicron ?

Contraintes sur la circulation des personnes

Evidemment, tout cela s’assortit d’avertissements sur les voyages nationaux. Surtout à l’approche du Festival du printemps, qui commence le 1er février prochain. C’est en effet le moment où les Chinois reviennent dans leurs familles (comme en France à Noël), pour voir leurs proches. Le phénomène est ici amplifié par le fait que le nombre de jours de vacances est bien inférieur au nôtre en France, alors les citoyens profitent des jours fériés du printemps, ce qui donne des migrations massives de population.

Nous pouvons penser que les mêmes mesures que l’an dernier seront mises en place, pas d’interdiction, mais quelque chose de tellement incitatif que vous ne pouvez pas passer outre (c’est très chinois). Par exemple, bien des compagnies d’Etat ainsi que des organes officiels pourraient confisquer les cartes d’identité de leurs employés ; sans elle, impossible d’acheter un billet de train ou d’avion. Et les lycées, l’an dernier, avaient annoncé aux parents que seuls les enfants revenus depuis deux semaines à Pékin pourraient être scolarisés (rentrée de septembre 2021). Donc ce n’est pas une vraie interdiction, mais un conseil très appuyé 🙂

Suivant en cela la décentralisation de ce pays, chaque gouvernement local a pris des mesures locales (ça tombe sous le sens !) en termes de tests PCR. Parfois c’est pour entrer (un test PCR de moins de 48 heures pour rentrer à Pékin, et, nouveauté, un test PCR de moins de 72 heures une fois que vous êtes entré) et parfois c’est pour sortir (Tianjin, Xi’an par exemple, un test PCR de moins de 48 heures pour sortir). Un site « expatriés friendly » a fait un résumé pour nous, il faut un tableau excel à 4 colonnes pour s’en sortir.

J’aurais pu citer Kafka ou Ubu mais les Monty Python sont plus visuels

Dérives/abus

Nous pourrions en rire de toute cette agitation ubuesque et kafkaïenne autour d’un virus qui n’est presque pas présent (mais l’Histoire nous apprend que plus la menace est inconnue, plus elle fait peur), si ce n’était quelques dérives qui ont fait bien du dégât.

Ainsi à Xi’an, un citoyen qui a voulu braver le confinement pour aller manger dehors a été tabassé par les gardes du quartier (la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux).

Ainsi également l’histoire de cette femme enceinte de huit mois, prise de maux de ventre, qui est allée aux urgences à Xi’an le 1er janvier ; mais comme son test PCR était invalide depuis 4 heures, elle n’a pas été admise et a perdu son bébé. L’hôpital a fait des excuses et mis en place une « green lane » pour les urgences. Cela ne faisait pas bien dans le paysage, surtout quand un des objectifs du pays est d’encourager les naissances…

Citons également cette citoyenne chinoise de retour de l’étranger qui a refusé de faire un test PCR et a passé dix jours en prison.

Et le meilleur pour la fin : la municipalité de Pékin a recommandé aux habitants de n’avoir aucune interaction avec les véhicules dévolus au transport des personnes (officiels ou autres) jusqu’aux lieux des J.O. et, en cas d’accident, de ne pas secourir les personnes ; sinon, vous pourriez vous faire embarquer dans la bulle et y rester jusqu’à fin mars !

George Orwell, sors de ce pays !

FB